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Yves Boyer<br />
son équivalent américain sur la construction dans chaque pays (près de Bordeaux<br />
en France et au Lawrence Livermore National Laboratory aux États-Unis) d’un<br />
très grand laser (Laser Mégajoule), nécessaire à la simulation pour la mise au point<br />
d’une arme atomique sans essai préalable (la TNO en France). Non seulement la<br />
coopération sur une base de stricte égalité a porté ses fruits, mais elle a ouvert la<br />
voie à une coopération franco-britannique dans le cadre du traité de Lancaster<br />
House de décembre 2010.<br />
Le lent déclin de la recherche nucléaire britannique a placé Londres dans la<br />
situation d’avoir recours aux Américains et désormais, phénomène nouveau à la<br />
portée considérable, aux Français. Dans le cadre de l’accord de Lancaster House,<br />
où chacun des deux pays, « gardant à l’esprit qu’ils n’envisagent pas de situation<br />
dans laquelle les intérêts vitaux de l’une des parties pourraient être menacés sans<br />
que ceux de l’autre le soient aussi », il est convenu de coopérer sur la sûreté et la<br />
fiabilité des armes nucléaires respectives. À partir de 2014, Français et Britanniques<br />
pourront ainsi procéder à des simulations sur le fonctionnement de leur arsenal<br />
atomique dans un même laboratoire implanté en Bourgogne, sur le site du<br />
Valduc relevant du CEA-DAM. Parallèlement, un centre de recherche, implanté<br />
à Aldermaston à l’Atomic Weapons Establishment dans le sud-est de l’Angleterre,<br />
sera ouvert aux spécialistes des deux pays. Cette situation va considérablement<br />
rapprocher les deux pays alors qu’ils ont, pendant plus de cinquante ans, suivi des<br />
voies très différentes pour développer et maintenir un arsenal atomique. Londres a<br />
besoin de Paris, qui voulait éviter à tout prix que le Royaume-Uni puisse envisager,<br />
en s’appuyant sur des raisons seulement techniques, d’abandonner la dissuasion<br />
nucléaire, singularisant ainsi la France en Europe.<br />
Les développements technologiques induits par l’effort de recherche nucléaire<br />
jouent un rôle dans un autre domaine : la relation franco-allemande. C’est ainsi que<br />
pour certains calculs liés à la simulation nucléaire, la France a construit, au centre<br />
de Bruyères-le-Châtel du CEA-DAM, un des plus puissants ordinateurs d’Europe,<br />
en partenariat avec l’Allemagne, qui utilise certaines capacités pour ses propres<br />
besoins de calculs en-dehors, bien évidemment, de la recherche nucléaire. De<br />
même, dans un domaine aussi sensible que la surveillance de l’espace et des objets en<br />
orbite autour du globe terrestre, Allemands et Français coopèrent d'une façon très<br />
fructueuse en fusionnant les données collectées par des systèmes complémentaires :<br />
le radar GRAVES (Grand réseau adapté à la veille spatiale) français et le radar<br />
allemand TIRA (Tracking & Imaging Radar, situé à Wachtberg près de Bonn).<br />
L’espace est clairement devenu un très important secteur d’activité pour les<br />
Français, et contribue considérablement à renforcer, dans sa dimension stratégique<br />
et militaire, l’autonomie d’appréciation des situations, la crédibilité de la dissuasion,<br />
mais aussi la coopération avec certains alliés. Paris dispose d’une large panoplie<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013