Sommaire - CCIFR

L’Influence dans un monde globalisé
diversifiés et multipliés et à une conflictualité directe et essentiellement binaire a
succédé une conflictualité beaucoup plus indirecte et multiple.
Certes, les États continuent d’être des acteurs majeurs de l’influence et,
quelles que soient les influences qu’ils puissent subir, ils ont une stratégie propre
avec laquelle les autres acteurs doivent compter, voire dans laquelle ils doivent
en grande partie s’inscrire. Les entreprises ont naturellement progressivement
occupé une place essentielle, mais cette affirmation nécessite d’être précisée. Il
s’agit non seulement de quelques grands groupes mondiaux dont l’influence est
une clé pour la conquête des marchés – avec tout ce que cela requiert comme
instruments, y compris de lobbying, de désinformation sur un concurrent, de
constitution, par des moyens honnêtes ou non, de réseaux puissants d’influence –,
mais aussi d’acteurs différents qui agissent conjointement. Lorsqu’un cabinet
juridique ou de conseil promeut et défend tel type de droit ou tel type de normes
comptables ou de bonne pratique managériale, il agit certes pour son compte,
mais aussi pour d’autres professions, qui constituent ses clients. Par exemple,
l’influence exercée par l’American Bar Association (ABA) dans le domaine
juridique : en promouvant non seulement le droit de la common law mais aussi
certains standards qui y sont associés, elle mène une action d’influence en faveur
non seulement des avocats anglo-saxons, mais aussi de bien d’autres professions.
Ce n’est pas pour rien d’ailleurs qu’elle bénéficie d’alliés du côté de la puissance
publique américaine et d’une série de professionnels ou de consultants présents
dans les endroits stratégiques des organisations internationales. Tous ces
organismes d’influence professionnels, dont le mode d’intervention va beaucoup
plus loin que le lobbying traditionnel, deviennent des acteurs majeurs.
Parmi les acteurs nouveaux, il faut naturellement ajouter les experts de
toutes professions qui agissent soit sur le terrain, soit au sein des organisations
internationales. S’y ajoutent, quand ce ne sont pas les mêmes, les « intellectuels »,
eux aussi spécialisés aussi bien en économie qu’en politique internationale et de
sécurité, qu’en santé, en politique de reconstruction ou de lutte contre la pauvreté,
qui travaillent au sein des universités de dimension internationale et des think
tanks. Mobiles, prolifiques dans la production de policy papers, intervenant
devant les cénacles les plus divers, ils exercent une action d’influence puissante.
Si aucun d’entre eux ne peut prétendre influencer, la somme de plusieurs papiers
ou conférences allant dans le même sens et même le soutien au développement
de think tanks étrangers finissent par forger les opinions et par indiquer « ce
qu’il faut penser sur… ». Au sommet de cette pyramide, figurent ceux que nous
proposons d’appeler les jet advisers, quelques personnalités dispensant leurs
conseils aux gouvernements et aux grandes firmes multinationales et occupant
une place prééminente dans les médias internationaux.
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013
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