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Sommaire - CCIFR

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Émile Pain<br />

Durant plusieurs siècles, la coexistence de différentes cultures ethniques et<br />

religieuses sur le territoire de la Russie a été déterminée par le régime impérial. Un<br />

Empire est aux antipodes de l’État-nation fondé sur des principes de souveraineté<br />

populaire. « Le pouvoir sur beaucoup de peuples sans leur assentiment », voilà ce<br />

qui, d’après Dominic Lieven, a distingué les grands Empires du passé et ce que<br />

présupposent toutes les définitions raisonnables de cette notion.<br />

La formule « le pouvoir sans l’assentiment du peuple » ne signifie pas forcément<br />

que ce pouvoir repose exclusivement sur la force, elle dit seulement que la volonté<br />

des citoyens et de leurs associations, par exemple des communautés ethnoterritoriales,<br />

n’a pas de valeur pour le fonctionnement du régime impérial organisé<br />

de façon hiérarchique et autoritaire. Il a pu convenir à certaines époques et, pour<br />

beaucoup de peuples, il aura même pu être salvateur. Ce fut le cas lors de la conquête<br />

de la Sibérie au XVIIe siècle et au début du XVIIIe, quand leur intégration au sein<br />

de la Russie a littéralement sauvé du dépérissement toute une série de peuplades<br />

(les Khantis, les Mansis, les Selkoupes et beaucoup d’autres) qui, jusqu’à l’arrivée<br />

des Russes, étaient victimes de pillages, éliminés physiquement et chassés vers des<br />

lieux inhospitaliers par les peuples plus nombreux. L’Empire russe, qui voyait en<br />

chacun d’eux un payeur potentiel du tribut « iassak », protégea avec grand intérêt<br />

ces peuples désormais nommés « Iassaks » à leur tour. Mais la situation changea en<br />

même temps que les objectifs de la colonisation. Lorsque l’objectif est le territoire,<br />

l’excès de population qui y demeure est une gêne dont il faut se débarrasser. Ce<br />

fut le cas lors de la conquête du Nord-Caucase au XIXe siècle. En mars 1864, dans<br />

un des rapports finaux sur le déroulement de la guerre du Caucase, le grand-duc<br />

Mikhaïl Nikolaïevitch indiquait : « Toute l’étendue du versant nord-ouest à partir<br />

de la rivière Laba et du versant sud à partir de l’embouchure du Kouban jusqu’à<br />

Touapsé sont débarrassés de la population qui nous était hostile. » Sur ce rapport<br />

est conservée la conclusion apposée par l’empereur Alexandre II : « Gloire à Dieu ».<br />

L’Union Soviétique était en quelque sorte un empire dont la nature et les<br />

objectifs ont varié selon les périodes. Son étape initiale (les quinze premières<br />

années) a été qualifiée par l’historien Terry Martin d’« Empire de la discrimination<br />

positive » (« the Affirmative Action Empire »). Un empire qui non seulement<br />

ne s’opposait pas à la mise en place d’autonomies nationales mais aussi les<br />

construisait, en contribuant même à la création de la culture écrite de certains<br />

de ces peuples. En même temps, le processus même de construction desdites<br />

« nations et populations socialistes » dans les années 1920 et au début des années<br />

1930 s’est fait par la force. Les limites administratives entrecoupaient fréquemment<br />

des massifs ethniques cohérents ou réunissaient arbitrairement différents peuples<br />

sans leur accord au sein de républiques autonomes ou de l’Union. Beaucoup de<br />

conflits armés dans le Caucase de la fin du XXe siècle ont été des circonstances<br />

RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013

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