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Ambivalence et distanciation<br />
(1997-2002), estime lui aussi que « la Russie reste un grand pays (qui doit être)<br />
reconnu comme une puissance qui compte dans le monde ». Cette perception<br />
de la Russie s’est traduite par une volonté d’intensifier le partenariat bilatéral,<br />
d’encourager l’ancrage de la Russie dans l’espace euro-atlantique – ce qui passe,<br />
estimait Jacques Chirac, par une association de la Russie aux affaires européennes,<br />
en particulier par la définition de la nouvelle architecture de sécurité en Europe<br />
au moment où l’Alliance Atlantique s’élargissait vers l’Est – et de renforcer avec<br />
et grâce à elle l’Europe et le monde multipolaire. À ses yeux, une Europe forte est<br />
bipolaire, la Russie, chef de file de la Communauté des États indépendants (CEI),<br />
en étant l’un des deux pôles.<br />
Le regard du président Sarkozy (2007-12) relève davantage du pragmatisme<br />
que de la russophilie, mais il reste globalement positif. La Russie est, à ses yeux,<br />
« un acteur majeur, un pays puissant, qui a des responsabilités internationales »,<br />
un « grand partenaire de l’Europe, qui ne peut pas être ignoré ». Le successeur de<br />
Jacques Chirac estime lui aussi que « la place de la Russie est aux côtés des Grands<br />
du monde ». Ce discours se traduit par une très grande attention accordée à la<br />
relation avec la Russie. En 2008, Nicolas Sarkozy se rallie à la position russe sur<br />
l’éventuelle intégration de l’Ukraine et de la Géorgie à l’Alliance Atlantique et,<br />
au moment de la présidence française de l’UE, il exerce lors de la guerre russogéorgienne<br />
une médiation qui débouche sur un cessez-le-feu. En 2011, il accepte<br />
la vente à la Russie du bâtiment Mistral, en affirmant sa volonté, vingt ans après<br />
la fin de la Guerre froide, de « faire confiance » à la Russie. Tout en projetant une<br />
image positive de la Russie, Nicolas Sarkozy n’hésite pas à évoquer les différends<br />
existant. Au début de son mandat, il critique « la brutalité » de la Russie sur<br />
la scène mondiale et rappelle que, sur la question des droits de l’homme, les<br />
désaccords entre les deux États sont fondamentaux. Au même moment, les<br />
auteurs du « Livre blanc de la politique étrangère et européenne de la France »<br />
indiquent que la Russie « suit une trajectoire spécifique qui est une source<br />
d’interrogations ». Ces réserves n’empêchent pas le chef de l’État de soutenir et<br />
même dans certains cas de ménager Moscou : les deux États ont des intérêts<br />
communs et, dans plusieurs dossiers, la Russie est perçue comme un partenaire<br />
incontournable. Il est vraisemblable que le regard de François Hollande, élu en<br />
mai 2012, sera lui aussi avant tout pragmatique. Ses premières prises de position<br />
ne se démarquent guère de celles de son prédécesseur. Il estime que « la Russie<br />
doit prendre toute la place qui lui revient dans les équilibres européens », mais<br />
rappelle que cela ne peut se faire qu’en tenant compte « des principes du respect<br />
des droits de la personne, des libertés publiques, de l’indépendance des médias et<br />
de l’État de droit auxquels la Russie a souscrit » et appelle l’UE à la « vigilance »<br />
dans ses rapports avec Moscou.<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013<br />
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