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Sommaire - CCIFR

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Émile Pain<br />

cette consolidation ? La nation politique n’est pas l’État, elle n’est pas sa population et<br />

elle n’est même pas non plus seulement sa société civile ; elle est aussi sa communauté<br />

liée par des liens de culture et de valeur uniques. Ce qu’a souligné avec justesse<br />

Mikhaïl Khodorkovski dans sa conférence « Entre l’Empire et l’État national ».<br />

Malheureusement, la part culturelle des nations y est comprise de façon étroite et ne<br />

mène qu’à une culture ethnographique traditionnelle (langue, histoire, religion, us et<br />

coutumes). Cette approche sort de la tradition scientifique mondiale. Il y a presque<br />

un siècle et demi, Ernest Renan, qu’on peut qualifier de fondateur de la théorie de<br />

la culture de la nation, s’exclamait « Une nation est une âme, un principe spirituel !<br />

», mais il soulignait en même temps que « les considérations ethnographiques<br />

n’ont pas de signification essentielle dans l’organisation des nations d’aujourd’hui. »<br />

Renan comparait l’Amérique Latine, qui parle une seule langue mais n’est pas une<br />

nation unie, à la nation suisse qui utilise quatre langues : « La volonté de la Suisse de<br />

s’unir, malgré la variété de ses idiomes, est un fait beaucoup plus important qu’une<br />

similitude […] Une nation est donc une grande solidarité. »<br />

Renan parvenait déjà à une compréhension de la culture civile comme base de<br />

la consolidation nationale, néanmoins cette conception a été formée sous un aspect<br />

beaucoup plus développé par les scientifiques du XXe siècle, avant tout par Gabriel<br />

Almond et Sidney Verba dans leur étude classique The civic culture. Sa nature –<br />

et caractéristique principale par rapport aux cultures précédentes, patriarcales et<br />

sujettes – repose sur le fait que la culture civile est « participative », activiste. Elle<br />

unit les personnes en en appelant non à l’unité du sang ou à la fidélité au monarque,<br />

au guide, au dirigeant, mais à l’unité de droits et de devoirs du sujet principal et<br />

collectif du pouvoir : « Nous, le peuple, sommes à l’origine du pouvoir. »<br />

Nous connaissons, évidemment, des exemples historiques où la locomotive<br />

de la culture citoyenne et le moteur de la consolidation nationale étaient soit le<br />

nationalisme ethnique, soit la mobilisation religieuse. Le nationalisme russe peutil<br />

être la base de la consolidation de l’union de tous les citoyens de la Russie ? Il y a<br />

de plus en plus d’arguments pour répondre à cette question par la négative.<br />

Si le nationalisme russe n’a pas remporté de victoire politique au début du siècle<br />

passé, il risque encore moins d’en remporter maintenant. Il avait alors beaucoup<br />

plus de chances que de nos jours d’être en mesure d’occuper des positions avancées.<br />

De 1905 à 1917, les premiers partis nationalistes, et avant tout l’« Union du Peuple<br />

Russe », furent créés sur fond d’essor du chauvinisme après les pogroms ethniques,<br />

secrètement soutenus par les autorités. Ils étaient donc les plus massifs par leur<br />

forme. Cependant, aux élections des quatre assemblées de la Douma d’État de<br />

l’Empire russe, ils n’ont pu obtenir la majorité. Le peuple russe ne les soutint pas<br />

non plus ultérieurement, en 1918-1921 pendant la guerre civile. Aujourd’hui,<br />

même dans les régions uniformément russes, le nationalisme russe ne bénéficie pas<br />

RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013

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