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Piotr Stegni<br />
grande vitesse. Mais il faut souligner que ce pragmatisme ne l’a pas empêchée de<br />
toujours respecter une hiérarchie relativement nette de ses objectifs.<br />
Concernant le « printemps arabe », ces priorités se répartissent en trois niveaux<br />
distincts :<br />
• le niveau global — la Russie détient une part de responsabilité pour la<br />
préservation de la sécurité globale et régionale du fait de son statut de membre<br />
permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et de sa participation au « Quartet »<br />
pour le Proche-Orient et aux négociations « 5 + 1 » avec l’Iran ;<br />
• le niveau régional — la Russie souhaite protéger ses intérêts historiques dans<br />
la région et conserver des relations développées avec les pays arabes et Israël dans<br />
les domaines politique, commercial et économique, militaro-technique, culturel et<br />
humanitaire ;<br />
• le « troisième panier » — la Russie soutient les réformes démocratiques dans<br />
le monde arabe, vues comme un élément du processus global de la démocratisation<br />
des États souverains.<br />
On peut facilement constater que les autres grands acteurs internationaux<br />
— États-Unis, Union européenne, Chine — élaborent eux aussi leur politique<br />
étrangère en fonction de ces mêmes groupes de priorités, même s’ils les<br />
interprètent et les hiérarchisent différemment. Par exemple, pour les Américains,<br />
la démocratie et les droits de l’homme (le « troisième panier ») sont généralement<br />
prioritaires non seulement par rapport à la souveraineté des États mais aussi,<br />
parfois, par rapport à la responsabilité globale de Washington. Les Européens,<br />
comme le cas libyen l’a récemment illustré de manière éclatante, font souvent<br />
passer les considérations relatives à leur responsabilité globale au second plan<br />
par rapport à leurs intérêts nationaux liés à l’accès à un pétrole de qualité situé<br />
à proximité de leur territoire. En revanche, pour ce qui concerne la Chine, la<br />
combinaison de ses intérêts stratégiques a été pratiquement identique à celle de<br />
la Russie à toutes les étapes du « printemps arabe ».<br />
Tout au long du « printemps arabe », la Russie n’a eu qu’une seule priorité :<br />
sa responsabilité internationale. Aussi paradoxal que cela puisse paraître,<br />
cet impératif de la réflexion géopolitique datant de l’époque soviétique a<br />
poussé les pays occidentaux à considérer notre position comme relevant de<br />
l’obstructionnisme par rapport à leur politique. Sans doute estimaient-ils qu’eu<br />
égard à ses incontestables problèmes internes, à ses réformes inachevées et à<br />
la réduction drastique de sa présence militaro-stratégique dans le monde, la<br />
Russie allait se montrer plus coopérative. Mais nous avons suivi notre propre<br />
voie, refusant de nous impliquer dans des actions susceptibles de provoquer<br />
des changements de régime. Moscou a appelé à un respect inconditionnel de<br />
la souveraineté des États, à la non-ingérence et au règlement des conflits par le<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013