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Vu de Moscou<br />
tenu à Budapest en 1994, Mitterrand fut le seul à se montrer compréhensif à l’égard<br />
du président Eltsine, hostile à l’élargissement de l’OTAN à l’Est. Le locataire du<br />
palais de l’Élysée alla jusqu’à qualifier cet élargissement d’« inutile et dangereux ».<br />
Cependant, le président français n’a pas soutenu l’idée, émise par George Bush Sr.,<br />
d’inclure Moscou dans le G7. Il était clair que, à ses yeux, la Russie avait perdu le<br />
statut de puissance mondiale.<br />
Au milieu des années 1990, la diplomatie russe dirigée par Evgueni Primakov<br />
s’est fixé pour objectif de rétablir l’influence internationale du pays et de surmonter<br />
le « complexe du vaincu ». Dans ce contexte, Moscou a particulièrement apprécié<br />
les propos du nouveau président français Jacques Chirac : « Tout ce qui consisterait<br />
à ne pas vouloir reconnaître la grandeur de la Russie et de son peuple conduirait<br />
à faire une erreur majeure sur le plan de la vision du monde de demain. » De<br />
cette façon, Paris participait à l’incorporation de la Russie dans le club d’élite<br />
des puissances industrielles développées. D’ailleurs, Chirac se déclara également<br />
favorable à l’adhésion de la Russie à l’OMC et au Club de Paris. La période 1995-<br />
1999, placée sous le signe des rapports de confiance établis par Chirac et Eltsine, a<br />
indiscutablement été celle du « partenariat privilégié » entre la France et la Russie.<br />
En 1996, pour permettre la vente en France d’obligations russes de court terme<br />
(GKO), les deux pays ont signé un accord sur le remboursement des « emprunts<br />
russes » (datant de l’époque tsariste) aux créanciers français. C’est à cette époque<br />
que fut créée la Commission bilatérale sur la coopération économique, scientifique<br />
et technique, co-présidée par les Premiers ministres des deux pays, et qu’il fut<br />
décidé de fonder une structure de coordination des relations : la Commission<br />
intergouvernementale franco-russe pour les questions de coopération bilatérale au<br />
niveau des chefs de gouvernement. L’année s’acheva par l’adoption du plan d’action<br />
de l’UE en faveur de Moscou, activement promu par la France. Enfin, notons que<br />
Paris a soutenu la demande russe d’adhésion au Conseil de l’Europe.<br />
Mais dès le milieu des années 1990, certains signaux avaient commencé<br />
d’indiquer qu’une collaboration étroite avec Moscou ne correspondait pas à la<br />
nouvelle configuration européenne. La ligne de démarcation entre l’ouest et l’est<br />
de l’Europe n’avait pas disparu : elle avait simplement été repoussée plus à l’est,<br />
jusqu’aux frontières de la Russie. L’intégration des pays d’Europe orientale dans la<br />
communauté occidentale se produisait parallèlement à leur rupture avec Moscou.<br />
Ce phénomène renforçait le vecteur atlantique du développement de l’Union<br />
européenne plus que le vecteur européen et continental, ce qui n’arrangeait ni la<br />
Russie, ni la France. Cette dernière se montrait réservée à l’égard de l’élargissement<br />
de l’OTAN vers l’est, auquel la Russie était résolument hostile. Au moment<br />
du sommet de Madrid de l’Alliance, à l’été 1997, Eltsine et Chirac, chacun à sa<br />
manière, se sont opposés à l’atlantisation de l’Europe téléguidée depuis les États-<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013<br />
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