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Sommaire - CCIFR

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Le mythe de l’islamisation<br />

« civilisation islamique » ; l’expression a été reprise par Samuel Huntington avec<br />

presque la même signification relative à l’existence d’une solidarité essentielle et<br />

guerrière des musulmans de par le monde, quelles que soient leurs différentes<br />

situations sociales, économiques et culturelles). Le conflit malien, par exemple, ne<br />

relève en aucun cas d’un processus d’islamisation. Il s’agit d’une société musulmane<br />

tolérante, traditionnellement imprégnée de soufisme et d’islam confrérique, qui<br />

subit l’attaque de groupes extrémistes se revendiquant eux-mêmes de l’islam (mais<br />

d’une idéologie islamiste tout à fait exogène). Ce sont des musulmans contre des<br />

musulmans, avec en arrière fond des intérêts géostratégiques et économiques très<br />

précis. Les musulmans français ne se sentent pas a priori concernés par le combat<br />

des djihadistes maliens. De même que les printemps arabes ont été accueillis<br />

favorablement, et parfois avec fierté, parce qu’ils permettaient de montrer que des<br />

populations « arabes » pouvaient se prendre en main pour se libérer de dictatures<br />

(dont certaines comme la Tunisie étaient effectivement soutenues par la France !)<br />

Il n’y a pas, là non plus, de sentiment de solidarité avec les islamistes au pouvoir<br />

chez les musulmans français. Il y aurait plutôt, au contraire, une certaine défiance<br />

critique. Mais il y a aussi un sentiment d’agacement face à la vision univoque et<br />

obnubilée d’islamisation, alors que dans les faits de telles révolutions ne peuvent<br />

se faire en un jour, pas plus que la Révolution française qui s’est traduite par des<br />

périodes de terreur avant de réussir à se stabiliser. Il est plutôt bon signe que la<br />

volonté de certains islamistes au pouvoir de s’imposer produise en Égypte comme<br />

en Tunisie, par exemple, de nombreuses manifestations d’opposition.<br />

Enfin, je voudrais terminer en disant que s’il existe un processus majoritaire<br />

d’adhésion aux valeurs démocratiques, à la liberté d’expression, à la modernité en<br />

général, et s’il reste aussi des problèmes de fond dans l’islam français, des résistances<br />

parfois inacceptables pour un esprit moderne, le cas de Mohammed Merah ne<br />

relève pas de ces résistances. Merah était avant tout un individu en déshérence<br />

sociale très fragile psychologiquement, qui est passé par l’alcool, la délinquance<br />

de quartier, il a aussi été indic pour la police, il a même cherché à entrer dans la<br />

Légion étrangère mais a été déclaré inapte. Il a adhéré à l’islam en dernier recours<br />

et n’est, par conséquent, par du tout typique de la nouvelle effervescence spirituelle<br />

de la jeunesse musulmane. Il est en revanche un produit typique du mythe de<br />

l’islamisation. Il a revêtu le vêtement de l’islam parce que cette religion fait peur.<br />

Il a voulu devenir djihadiste avant d’être musulman, pour se venger, pour justifier<br />

sa violence et expulser sa frustration. Il commença d’ailleurs par assassiner des<br />

légionnaires (par ailleurs musulmans !), parce qu’ils participaient de sa frustration<br />

de n’avoir pu entrer dans leurs rangs.<br />

RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013<br />

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