aux frontières de la folie, poussant l’un au meurtre de sa toile et l’autre au meurtrede la femme aimée » 40 .Dans ce roman, les modèles réels 41 ont bien moins d’importance que lathéorie de l’hérédité qui sous-tend l’ensemble du roman. En effet, l’histoire deClaude, c’est l’histoire d’une névrose héréditaire qui se développe et dégénère.C’est le récit d’une maladie héréditaire qui prend le pas sur l’homme, sur l’amour,sur le talent et le génie. Ce n’est pas, comme Manette Salomon, une compilationd’anecdotes réelles. Dans la théorie du Dr Lucas, tous les caractères héréditairesont une sorte de période d’incubation pendant laquelle l’homme, par sa volonté,peut changer son destin, c’est ce qu’il appelle l’intervalle 42 . L’Œuvre est le récitde cet intervalle, de la lente descente aux enfers de Claude qui s’enfonce dans lafolie héréditaire.Pour les autres personnages d’artistes, Zola désire faire le portrait de touteune époque, de cette volonté de révolutionner la tradition. C’est une sorte detableau historique de l’art dans les années 1860. Zola exprime ainsi son projet :« Je voudrais aussi que notre art moderne y fût pour quelque chose, notre fièvre àtout vouloir, notre impatience à secouer la tradition, notre déséquilibrement en unmot » 43 . Les autres personnages forment une sorte de galerie dans laquelle Zolareprésente les types qui font partie de la bande d’artistes révolutionnaires, tout encontinuant d’y inclure le concept d’hérédité, qui est cependant moins développéque dans le personnage de Claude.Fagerolles est le modèle de l’artiste qui réussit, un artiste catin ayant unsolide talent et une envie non seulement de réussir, mais de plaire. Son portraitphysique reflète à la fois son désir de plaire et sa disposition au complot, à latrahison :40 J. GUICHARDET « Un artiste à l’œuvre : Claude Lantier » dans R. DEMORIS, L’artiste en représentationActes du colloque Paris III-Bologne, éditions Desjonquères, Paris, 1993, p.107.41 Pour cet artiste condamné la critique cite souvent deux modèles réels principaux : Manet et Cézanne en sebasant sur cette citation : « j’ajoute qu’il a produit quelques morceaux absolument merveilleux : un Manet, unCézanne dramatisé ; plus près de Cézanne». Ce n’est pas son personnage que Zola définit ici mais bien les« morceaux merveilleux », la production artistique de son personnage. On a souvent discuté sur les originesréelles des personnages de Zola. Brady relève pour Claude, Jongkind, Holtzapfel, André Gill, Tassaert,Manet, Monet et Cézanne (dans P. BRADY, “L’œuvre” de Émile Zola, roman sur les arts, manifeste,autobiographie, roman à clef, Librairie Droz, Genève, 1967, p. 225 et s.). Il nous semble évident qu’une tellediversité nous montre l’originalité et l’individualité du personnage de Claude. Car si Zola se nourrit pour ceroman de ses souvenirs, il ne le transforme cependant pas en roman autobiographique.42 J. BORIE, Mythologies de l’hérédité au XIXe siècle, éditions Galilée, Paris, 1981, p. 78.43 Cité par H. MITERRAND dans le dossier de L’Œuvre (Z434).138
[…] un garçon mince et pâle, dont la figure de fille était éclairée par des yeux gris, d’unecâlinerie moqueuse, où passaient des étincelles d’acier. […] Son sourire inquiétant allaitdes uns aux autres, tandis que ses longs doigts souples, d’une adresse native, ébauchaientsur la table des scènes compliquées, avec des gouttes de bière répandues (Z99).Là encore, ce sont ses yeux, son regard, qui le caractérisent le plus laissantdeviner cet aspect double du camarade artiste et du carriériste qui veut parvenir àtout prix. Nous retrouvons aussi cet aspect féminin de l’artiste dans les traits deson visage. Fagerolles est un jeune homme doué : « Il avait l’art facile, un tour demain à tout réussir » (Z99). Cela se reflète dans son portrait dans la souplesse deses mains. Cette souplesse peut aussi faire référence à son adaptabilité. Fagerollessait créer pour plaire, changer son art pour l’adapter au public. Son désir deréussir, de gagner de l’argent, domine son talent. Il abandonne son originalité pourplaire. Il est calculateur et possède une réelle stratégie dans son ascension sociale :C’était une tactique, une volonté de se tailler son triomphe à part, cette idée maligne que,pour réussir, il ne fallait plus avoir rien de commun avec ces révolutionnaires, ni unmarchand, ni les relations, ni les habitudes. Et l’on disait même qu’il mettait les femmesde deux ou trois salons dans sa chance, non pas en mâle brutal comme Jory, mais envicieux supérieur à ses passions, en simple chatouilleur de baronnes sur le retour (Z227).Fagerolles, comme nous l’avait déjà indiqué son atelier, a un aspect mondain etrêveur. Mais il a compris que le succès ne peut pas venir par la force ou en tentantde révolutionner les bourgeois. Il a la patience nécessaire à sa carrière. Il reprendl’originalité des autres, certains aspects révolutionnaires, en les adoucissant demanière à ce qu’ils soient acceptables pour le public de l’époque. Comme sonpère, fabriquant de zinc d’art, il fait de l’art pour vendre. C’est cet aspectcommerçant qui est l’hérédité de Fagerolles. Cependant, le succès de Fagerollesest court.Chaîne est le paysan déguisé en artiste, il en a l’épaisseur, le préjugé et lasoumission à la nature. Tout cela fait de lui un artiste médiocre, par manque deliberté et de vision. Tout son art réside dans la copie exacte : « Mais son triompheétait l’exactitude dans la gaucherie, il avait les minuties naïves d’un primitif, lesouci du petit détail, où se complaisait l’enfance de son être, à peine dégagé de laterre » (Z91). Son manque de génie fait de lui l’esclave de la nature. Son héréditépaysanne semble un lourd fardeau à porter. C’est elle qui détermine sa soumission139
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RÜMANN, ArthurDas Illustrierte Buc
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nineteenth-century France, ORWICZ,
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ROUVERET, Agnès « De l’artisan
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INDEX DES AUTEURS ET ARTISTES RÉEL
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Giotto · 110, 111Girard · 5Girode
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Poussin · 11, 15, 34, 37, 48, 50,