mythe de l’artiste, de l’idée préconçue que l’on a de l’artiste au XIXe siècle. PourLaubriet, la principale différence entre ces deux personnages est la suivante :Frenhofer avant de s’engager dans la voie de recherches nouvelles, avait peint demagnifiques tableaux ; il ne souffrait pas d’une impuissance à terminer ; et si son tableaudernier est manqué, c’est en vertu d’une application trop stricte de la théorie 45 .Nous ne pensons pas que cela soit exact, car Claude a lui aussi peint un morceauexceptionnel : Plein Air, dont la baigneuse force l’admiration de Bongrand et quin’est pas un tableau raté mais incompris. En revanche, c’est l’approche de ladamnation de l’artiste qui nous semble différente. En effet, Frenhofer devientaveugle et fou sans qu’il y ait à cela de raison particulière, mise à part, bienévidemment, la quête de la beauté absolue. Claude, quant à lui, est condamnédepuis la première page à l’échec, à cause de son hérédité et du milieu des artistesrévolutionnaires dans lequel il évolue. Ces personnages sont perçus de deux pointsde vue très différents : l’un est le récit du mythe de l’artiste, l’autre est l’analysemédicale de l’échec d’un génie incomplet et malade. Il est d’ailleurs intéressant denoter que Cézanne, l’un des modèles de Claude, s’il ne s’identifie pas du tout àClaude 46 , se reconnaît dans Frenhofer. Emile Bernard, dans Souvenirs sur PaulCézanne, rapporte l’anecdote suivante :Un jour que je lui parlais du Chef-d’œuvre inconnu et de Frenhofer, le héros du roman deBalzac, il se leva de table, se dressa devant moi, et, frappant sa poitrine avec son index, ils’accusa sans un mot mais par ce geste multiplié, [d’être] le personnage même du roman.Il en était si ému que des larmes emplissaient ses yeux. Quelqu’un par qui il était devancédans la vie, mais dont l’âme était prophétique, l’avait deviné. Ah ! qu’il y avait loin deFrenhofer, impuissant par génie, à ce Claude Lantier, impuissant par naissance, que Zolaavait vu malencontreusement en lui 47 .Cela nous parait caractéristique de la différence de point de vue entre Balzac etZola. Balzac, en posant une figure abstraite et mythique, propose un modèle plusséduisant que Zola, qui nous présente un artiste familier, quotidien et malade, quisombre dans la folie. Les Goncourt n’ont, quant à eux, jamais été accusés de45 P. LAUBRIET, Un catéchisme esthétique, Le Chef d’œuvre Inconnu de Balzac, Didier, Paris, 1961, p. 143-144.46 De nombreux critiques soupçonnent que L’Œuvre soit à l’origine de la rupture entre Zola et Cézanne,Cézanne se sentant incompris.47 E. BERNARD, Souvenirs sur Paul Cézanne, Mercure de France, Paris, 1925, p35142
plagiat malgré les similitudes que nous avons relevées dans la première partie.C’est sans doute que leur point de vue est si clair et rabâché qu’il en a fait oublierles similitudes. La raison de la damnation de Coriolis est Manette : la femme et lajuive ; ce qui, dans le contexte antisémite de la bourgeoisie de l’époque, et dansl’esprit misogyne des Goncourt, semble des raisons bien suffisantes à l’échec dugénie.Au moment de la parution de L’Œuvre, Edmond de Goncourt et Zola sebrouillent, Edmond se sentant plagié et blessé du succès que Manette Salomon n’apas connu et que le roman de Zola obtient. Brady relève et compare les passagessoi-disant plagiés par Zola et constate que les accusations de Goncourt sontexagérées 48 . Il nous semble que certains traits comme la folie de l’œil, commune àCoriolis et Claude, pourrait tout aussi bien être attribuée à Frenhofer. Elle faitpartie du mythe de l’artiste, de cette fin terrible de l’artiste maudit. De plus, lesartistes peints par les Goncourt sont des types sociaux, des carrières modèles quel’on ne peut pas éviter dans un roman sur les arts, ce qui explique une certainesimilitude entre des personnages comme Garnotelle et Fagerolles 49 . Nous pensonsque, là encore, la divergence des points de vue fait l’autonomie des deux œuvres :Manette fait le malheur de Coriolis, mais Claude fait le malheur de Christine.Dans l’un des romans, la femme est la cause de l’échec de l’artiste, alors que dansl’autre, elle assiste, impuissante, à la décadence héréditaire de son mari.Ainsi comme nous le voyons dans cette étude, les personnages d’artisteschangent en fonction des tendances littéraires et des personnalités des écrivains,au cours du XIXe siècle. D’un type mythique, nous passons à une analyse sociale,puis à une analyse psychologique et pathologique de l’artiste. Il nous semble quecela est dû en grande partie à une meilleure connaissance et compréhension del’artiste en tant qu’homme. Plus le siècle avance, plus les documents vécus ont del’importance dans la composition des personnages, plus le personnage de l’artistes’éloigne de l’abstraction pour rejoindre le cortège des autres hommes. Un autreaspect témoignant du changement du personnage de l’artiste est le traitement parles auteurs du processus de création que nous allons maintenant étudier.48 P. BRADY, “L’œuvre” de Émile Zola, roman sur les arts, manifeste, autobiographie, roman à clef,Librairie Droz, Genève, 1967, p.136 et s.49 Remarquons cependant que le succès de Garnotelle, personnage idéal, est constant alors que celui deFagerolles est éphémère. De plus si Garnotelle progresse socialement, la progression sociale de Fagerollesn’est qu’apparente puisque tout son bien appartient à son marchand et qu’il continue de fréquenter le mêmetype de femme comme Irma Bécot.143
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RÜMANN, ArthurDas Illustrierte Buc
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DELAVEAU, Philippe « Eugène Delac
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nineteenth-century France, ORWICZ,
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ROUVERET, Agnès « De l’artisan
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INDEX DES AUTEURS ET ARTISTES RÉEL
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Giotto · 110, 111Girard · 5Girode
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Poussin · 11, 15, 34, 37, 48, 50,