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, ARTISTE DANS 'ONCOURT - Doria

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L’Atelier d’Anatole dans Manette Salomon est une perpétuellecontradiction, une « blague » 31 . Au premier abord, l’atelier se présente comme unatelier assez classique pour un peintre débutant, meublé d’ « un chiffonnier etquatre fauteuils en velours d’Utrecht » (G154). L’atelier est présenté comme un«Atelier de misère et de jeunesse, un vrai grenier d’espérance » (G154) ce quenous pouvons rapprocher de l’atelier du peintre débutant, Poussin, dans Le Chefd’œuvreinconnu. La pauvreté du jeune artiste semble être centrale dans cettedescription. Mais pour l’atelier d’Anatole, à mesure que la description avance,l’atelier semble rire de lui-même. Le portrait de l’atelier continue avec unedescription olfactive, fait assez rare et surprenant pour une description d’atelierqui se concentre habituellement plus sur l’aspect visuel de la pièce : « cettemansarde de travail avec sa bonne odeur de tabac et de paresse ! » (G154). Acette description inattendue vient s’ajouter l’opposition entre « travail » et« paresse » dans la même phrase, exprimant clairement l’improductivité artistiqued’Anatole.Cette première impression se confirme lorsque nous constatons qu’il n’y a,dans cet atelier, aucun signe du travail de l’artiste ; aucun objet indiquant saprofession n’est cité. Par contre, nous y trouvons une succession d’objets du type« bric à brac artiste » tourné en dérision. Tous ces objets se présentent de la mêmemanière : dans la première partie de la phrase, nous trouvons l’objet en question,tourné en dérision dans la seconde partie de la phrase, par exemple : « une tête demort dans le nez de laquelle il piqua, sur un bouchon, un papillon. » (G167) ouencore « un Traité des vertus et des vices, de l’abbé de Marolles, dont il fit lesignet avec une chaussette » (G167) ou « un cadre pour une étude de Garnotelle,peinte un jour de misère avec l’huile d’une boîte à sardines » (G168) et enfin « unclavecin hors d’usage, où il essaya vainement de s’apprendre à jouer : J’ai du bontabac… » qu’il finit par vider pour mettre son costume à l’intérieur (G168). Cetatelier est une satire d’atelier, tout comme Anatole est une caricature ironique de31 Pour les Goncourt la Blague est un véritable concept, une des réalités inquiétantes de leur temps, larevanche des malheureux, un manifeste anti-esthétique. Dans leur Journal, à la date du 1 er février 1866, ilsdisent : « le XIXe siècle est à la fois le siècle de la vérité et de la blague ». Dans Manette Salomon lesGoncourt consacrent à ce concept un long passage (G108-109) où la Blague est « […] l’effrayant mot pourrire des révolutions ; la Blague qui allume le lampion d’un lazzi sur une barricade ; […] la Blague, cetteterrible marraine qui baptise tout ce qu’elle touche avec des expressions qui font peur et qui font froid ; laBlague, qui assaisonne le pain que les rapins vont manger à la morgue […] » (G108-109). Nous voyons biendans cet extrait tout ce que la Blague peut avoir d’inquiétant et de morbide aux yeux des Goncourt.67

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