Le Café mensuel 80 en pdf - Café pédagogique
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Il faut très certainem<strong>en</strong>t s'interroger sur ce que peut être un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t efficace de l'orthographe.<br />
Il existe d'ailleurs dans ce domaine bi<strong>en</strong> des travaux de recherche qui n'ont pas été correctem<strong>en</strong>t<br />
diffusés et sont donc restés inutilisés. Depuis une vingtaine d'années, on assiste <strong>en</strong> fait à une<br />
désaffection partielle de cet <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, peut-être par réaction à l'égard d'une tradition qui lui<br />
accordait beaucoup – trop ? – de place. Possible aussi que la prise <strong>en</strong> compte d'autres aspects de<br />
l'écrit, comme la vogue du texte depuis deux déc<strong>en</strong>nies, ait réduit le temps accordé à l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
de la langue écrite. De là à prét<strong>en</strong>dre qu'il faudrait rev<strong>en</strong>ir à un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t traditionnel, il y a un<br />
pas que je ne franchirai pas. Si le temps passé à <strong>en</strong>seigner constitue un facteur important, je ne me<br />
fais <strong>en</strong> revanche aucune illusion sur les bi<strong>en</strong>faits des méthodes passées. Un coup d'œil sur les<br />
résultats obt<strong>en</strong>us par l'école des années 50 – que j'ai connue – montre que bi<strong>en</strong> des <strong>en</strong>fants étai<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> délicatesse avec l'orthographe, au point d'ailleurs que certains d'<strong>en</strong>tre eux n'étai<strong>en</strong>t pas prés<strong>en</strong>tés<br />
au Certificat d'études primaires.<br />
L'orthographe pr<strong>en</strong>d une place très importante dans l'opinion publique. Pourtant D.<br />
Manesse p<strong>en</strong>se que son déclin résulte d'un affaiblissem<strong>en</strong>t général des normes. N'est-ce pas<br />
contradictoire ? Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>sez vous ? Quelle place ti<strong>en</strong>t l'aspiration à l'ordre dans ce débat ?<br />
Plus que l'orthographe, c'est la production écrite qui pr<strong>en</strong>d de l'importance dans notre société.<br />
Jamais par le passé le besoin d'écrire n'a été aussi important que de nos jours. P<strong>en</strong>dant des siècles<br />
<strong>en</strong> effet, l'écriture – et donc l'orthographe – a été le fait ess<strong>en</strong>tiel de professionnels (clercs,<br />
imprimeurs, correcteurs, etc.). Il ne faut donc pas s'étonner que la progression de la production<br />
écrite s'accompagne d'une augm<strong>en</strong>tation du nombre d'erreurs. Plus on se sert de l'orthographe plus<br />
on <strong>en</strong> mesure la complexité. N'oublions pas <strong>en</strong> effet que notre orthographe est l'une des plus<br />
complexes du monde, <strong>en</strong> raison notamm<strong>en</strong>t de ses spécificités grammaticales. Ces difficultés – que<br />
beaucoup considèr<strong>en</strong>t comme des marques d'appart<strong>en</strong>ance culturelle – sont dev<strong>en</strong>ues d'autant plus<br />
évid<strong>en</strong>tes que l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de l'orthographe s'est massifié, avec ses corollaires : un refus de la<br />
variation et la constitution d'une surnorme orthographique rigide. Depuis <strong>en</strong>viron un siècle et demi,<br />
des responsables de tous bords – éducateurs, linguistes et même hommes politiques – n'ont cessé de<br />
mettre l'acc<strong>en</strong>t sur des zones à modifier ou pour lesquelles on devrait au moins se montrer plus<br />
tolérant. En vain. Comm<strong>en</strong>t s'étonner donc que l'explosion de la production graphique à laquelle on<br />
assiste aujourd'hui ne s'accompagne pas d'une décrépitude de la norme orthographique <strong>en</strong> place<br />
depuis plusieurs siècles ? Et ce qui est <strong>en</strong> question ici ce ne sont pas les normes linguistiques –<br />
évidemm<strong>en</strong>t nécessaires – mais les errem<strong>en</strong>ts de la surnorme orthographique.<br />
<strong>Le</strong>s nouvelles formes d'expression (les sms, ce mail) inv<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t d'autres normes<br />
orthographiques. P<strong>en</strong>sez vous que cela explique le déclin orthographique ? Si oui comm<strong>en</strong>t<br />
faire pour imposer la langue écrite officielle ?<br />
L'avènem<strong>en</strong>t des SMS et des courriels illustre le phénomène de polygraphie dans laquelle se<br />
trouv<strong>en</strong>t désormais plongées les sociétés modernes. En France, le poids d'une norme homogène n'a<br />
fait que retarder ce que d'autres pays connaiss<strong>en</strong>t depuis longtemps (Japon, Chine, monde arabe,<br />
etc.). Chacune de ces formes d'écrit illustre simplem<strong>en</strong>t la diversité de modes de communication<br />
qui se dot<strong>en</strong>t des outils les mieux adaptés. Ainsi, parce qu'ils doiv<strong>en</strong>t compter avec des supports<br />
restreints, les SMS recour<strong>en</strong>t aux codes minimaux qu'autoris<strong>en</strong>t les échanges privés. <strong>Le</strong> texte des<br />
courriels révèle la fragilité d'une compét<strong>en</strong>ce orthographique qui doit s'exprimer dans un temps<br />
réduit et se trouve souv<strong>en</strong>t dépourvue de relecture. Reste l'orthographe "du dimanche", celle des<br />
échanges publics, qui implique une appar<strong>en</strong>ce plus stable et sans doute plus conforme à la culture<br />
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