La Bataille des femmes - Les Classiques des sciences sociales
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décision médicale – l’acte thérapeutique est ici soumis aux possibilités<br />
économiques <strong>des</strong> familles. Dès lors on comprend combien il serait<br />
naïf de penser modifier <strong>des</strong> pratiques uniquement par <strong>des</strong> gui<strong>des</strong> de<br />
« bonnes conduites ». Il en manque le soubassement matériel.<br />
Ah oui, les césariennes… on emmène les <strong>femmes</strong>, le mari n’a pas d’argent pour<br />
acheter le kit (60 000 Cfa), et, <strong>des</strong> fois, la femme attend et meurt. Par exemple,<br />
la césarienne qu’on veut aller faire maintenant, elle est venue ça fait trois jours.<br />
Des fois, l’enfant meurt dans le ventre de la mère ou bien la maman meurt avec le<br />
bébé. Nous n’avons rien ici pour dépanner les <strong>femmes</strong> enceintes, c’est toi-même qui<br />
va chercher les choses avant qu’on ne te fasse le travail. Des fois le manque d’argent<br />
fait que l’on meurt chez nous (manœuvre).<br />
On est là, on la regarde comme ça, on attend. Si elle veut mourir, elle va<br />
mourir… De même que les césariennes, les <strong>femmes</strong> restent là-bas, on le voit, elles<br />
font une rupture utérine, elles saignent… Si tu es aimable, toi-même tu mets un<br />
abord veineux… Tu la vois, elle peut mourir comme ça.<br />
Ça nous fait mal, mais on ne peut rien parce qu’on ne peut acheter les produits à<br />
3 ou 4 <strong>femmes</strong> par garde.<br />
Dimanche passé, j'étais de garde, il y avait trois <strong>femmes</strong>. Deux avaient un utérus<br />
bi-cicatriciel, bon, troisième fois, on doit césariser…<strong>Les</strong> trois n’ont pas d’argent.<br />
Je suis venue le matin à 6 heures, et on est resté jusqu’à 18 heures. Et après il y<br />
en a une qui est décédée…<br />
(…) <strong>La</strong> femme se plaint, elle dit : « maman, vient m’aider, si tu m’ai<strong>des</strong>, après<br />
je viendrai rester chez toi pour être ta bonne, pour te payer après ». Elle dit tout<br />
et après elle meurt comme ça. C’est très difficile pour nous, mais on ne peut rien<br />
(sage-femme).<br />
En fait, ni dans la structure sanitaire ni dans les familles, il n’y a<br />
de possibilité d’anticipation réelle. Dès lors en cas de problème, il faut<br />
gérer l’urgence « en situation », et cette urgence ne pourra être « réglée<br />
» qu’au rythme <strong>des</strong> disponibilités financières <strong>des</strong> divers partenaires<br />
(famille et institution).<br />
Il n’y a plus de prise en charge <strong>des</strong> mala<strong>des</strong> par le CHU comme auparavant. Il y<br />
en a qui se préparent avant de venir, mais aussi pour certaine, je suis obligée moimême<br />
de sortir de l’argent de ma poche pour pouvoir les aider. Même pour habiller<br />
les <strong>femmes</strong> nous allons à la maison pour chercher les chiffons (pour faire <strong>des</strong><br />
« couches »).<br />
D’autres viennent, on décide de la césarienne, elles voient la surveillante pour lui<br />
dire qu'elles n’ont pas d’argent…(S. G.).<br />
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