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La Bataille des femmes - Les Classiques des sciences sociales

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<strong>La</strong> parole dans le cadre du travail obstétrical<br />

HB est de garde, une patiente est en début d’accouchement. HB lui explique<br />

qu’elle va injecter, en intramusculaire, un antispasmodique, ainsi que l’évolution<br />

du travail. Elle lui explique que les contractions deviendraient plus fortes et<br />

qu’avant la naissance, elle aura la sensation d’avoir envie d’aller à la selle. Peu<br />

de temps après, la parturiente commence à s’agiter. Alors HB dit « je n’aurais<br />

pas dû lui dire tout ça ». À partir de ce moment, HB ne quitte plus la salle d’accouchement,<br />

elle me demande de surveiller la parturiente lorsqu’elle ira répondre<br />

au téléphone. Elle essaie de la maintenir allongée car, ayant rompu la poche <strong>des</strong><br />

eaux, elle ne souhaite pas voir la patiente debout.<br />

HB informe. Elle anticipe les évènements et est dans une démarche<br />

de prévision. Mais cette posture peut déboucher sur le mécanisme,<br />

décrit par Jaffré, de « demande infinie » du patient à laquelle la<br />

soignante ne peut répondre (2003). HB en vient donc à tirer de cette<br />

expérience qu’il est préférable de ne pas trop en dire: « je n’aurais pas<br />

dû lui dire tout ça ». À partir de cet événement, elle devient plus silencieuse<br />

pendant la surveillance du travail obstétrical, Le comportement<br />

silencieux d’HB est observé chez toutes les sages-<strong>femmes</strong>.<br />

Histoire de raisonnements<br />

Le constat d’une dislocation <strong>des</strong> techniques<br />

KD travaille à l’hôpital régional de sa ville natale, depuis moins d’un mois, elle<br />

reçoit une patiente pour sa consultation prénatale obligatoire. Après les salutations<br />

d’usage, l’interrogatoire prend un ton convivial. Au fil <strong>des</strong> questions-réponses<br />

et de la lecture du carnet de maternité, KD constate que la patiente est hypertendue.<br />

À la prise du jour, la tension artérielle est à 20/13. Elle poursuit<br />

l’investigation clinique et découvre <strong>des</strong> œdèmes, une prise de poids importante surajoutée<br />

à une obésité préexistante, et une dyspnée. À haute voix, KD se remémore<br />

ses cours théoriques sur la toxémie gravidique et la lourdeur <strong>des</strong> protocoles<br />

de traitements, puis classe la patiente dans les « grossesses à haut risque ». Elle<br />

soumet le dossier de la patiente à l’obstétricien qui l’introduit dans le circuit <strong>des</strong><br />

surveillances spécialisées.<br />

C’est au fur et à mesure de l’examen précis voire scrupuleux, et<br />

au travers d’un retour aux sources (cours théorique sur la toxémie<br />

gravidique), que la sage-femme parvient à catégoriser la grossesse.<br />

Mais, six mois plus tard, je retrouve KD qui a accepté un poste rural.<br />

Dès mon arrivée, elle résume la situation en me disant :<br />

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