La Bataille des femmes - Les Classiques des sciences sociales
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<strong>des</strong> « débrouillardises positives » (mettre en place <strong>des</strong> kits…), et<br />
d’autres « négatives » comme ces petites corruptions quotidiennes<br />
permettant d’améliorer ses ressources.<br />
Mais il nous semble plus utile de souligner, que du point de<br />
vue <strong>des</strong> acteurs, ces conduites entrent dans un même système<br />
de sens : en l’absence d’un État qui pourrait garantir <strong>des</strong><br />
moyens et <strong>des</strong> ressources, les solutions ne sont qu’individuelles.<br />
N’engageant pas un collectif organisé chaque initiative, quelle que<br />
soit sa « valeur », ne peut qu’accroître une certaine désorganisation.<br />
Dressons un rapide inventaire <strong>des</strong> pratiques observées.<br />
Au plus utile et au plus courageux, par exemple, Madame D.,<br />
surveillante du service, souligne que :<br />
Pour les kits, j’achète sur le marché [au « marché noir » officiellement interdit,<br />
mais économiquement en plein développement]. Je dois acheter moi-même parce<br />
que si j’achète à la pharmacie centrale ce sera trop cher et je ne pourrai pas vendre<br />
à 60 000 Cfa.<br />
Actuellement j’ai <strong>des</strong> difficultés parce que je ne trouve pas de fils. Certains CES<br />
ou médecins s’en moquent. Ils prennent <strong>des</strong> produits dans les kits et ils ne les remettent<br />
pas en place. Ils s’en fichent, c’est pour leurs protégées et après ils<br />
laissent…(Mme D.., Surveillante).<br />
C’est donc le secteur privé illicite – les « pharmacies par terre »<br />
- qui permet de faire fonctionner le public. Paradoxalement, usant de<br />
la concurrence et du système informel, le dévouement <strong>des</strong> soignants<br />
permet, en toute illégalité, à <strong>des</strong> mala<strong>des</strong> de disposer de produits à un<br />
coût relativement abordable. Une solution éthique à l’urgence qui en<br />
accroît la désorganisation technique.<br />
En ce qui concerne le kit, il a été édité en novembre 1995. Il est composé de perfuseurs,<br />
fils de ligatures et antibiothérapie, béthadine… Avant qu’on ne mette<br />
cela en place, il y avait <strong>des</strong> problèmes liés à la disponibilité et à la pauvreté.<br />
Quand les mala<strong>des</strong> venaient à une certaine heure de la nuit, on prescrivait <strong>des</strong><br />
médicaments et c’est quand les médicaments venaient qu’on opérait. Il y avait toujours<br />
la catastrophe. Soit on perdait la femme, soit le bébé.<br />
Le kit coûte 60 000 Cfa, le lit d’hospitalisation 5 000 Cfa. Et la césarienne<br />
70 000 Cfa. Nous avons vraiment <strong>des</strong> problèmes parce que certains mala<strong>des</strong><br />
sont très pauvres. Nous sommes obligés de les prendre en charge complètement…<br />
Et le problème d’eau de javel et autre… On a une partie <strong>des</strong> recettes qui revient<br />
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