La Bataille des femmes - Les Classiques des sciences sociales
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<strong>La</strong> pauvreté <strong>des</strong> familles rend l’intervention du médecin inutile<br />
; c’est elle la grande responsable de la mortalité maternelle<br />
comme le résume un médecin.<br />
Si vous voulez lutter contre la mortalité maternelle, il faut lutter contre la pauvreté.<br />
Vous donnez rendez-vous à une femme enceinte, elle doit se rendre à l’hôpital,<br />
le transport, c’est 500 Cfa. Elle demande à son mari, il dit qu’il n’a pas d’argent.<br />
Elle ne peut pas venir. Si vous prescrivez un examen de sang, de selles ou<br />
d’urine, elle n’a pas les moyens, elle ne le fera pas. S’il n’y a pas d’argent pour<br />
acheter les médicaments, qu’est-ce que le médecin peut faire ? (un médecin d’une<br />
clinique privée périphérique).<br />
<strong>Les</strong> familles tentent finalement de se débrouiller. Le mari d’Aïcha<br />
survit grâce à un petit commerce ou « banabana », au marché, il<br />
fait face aux frais d’hospitalisation de sa femme grâce à la solidarité de<br />
ses parents et amis.<br />
Le mari de Tenen explique comment il a mobilisé toutes ses relations<br />
pour réussir à faire face, petit à petit, aux dépenses d’hospitalisation<br />
de sa femme. Aux multiples deman<strong>des</strong> d’argent, il répond par<br />
un paiement échelonné.<br />
Je me suis débrouillé dans ces deux jours pour trouver les médicaments, après je<br />
suis venu avec ma femme pour l’opération. Au moment où je trouvais les médicaments,<br />
il faisait déjà nuit, puis le problème du sang s’est posé. Au sang, j’ai été<br />
aidé par une connaissance, il m’a dit de payer seulement 600 Cfa pour le contrôle<br />
du sang. Le médecin avait dit 5000 Cfa le lit, le sérum , le médicament. J’ai vu<br />
une de mes connaissances, Dr T qui a plaidé pour moi, ils ont laissé à 4 500<br />
Cfa parce que je suis mécanicien, c’est moi qui répare sa voiture. Je me suis débrouillé<br />
pour avoir les 15 000 Cfa (deux poches de sang demandées par le médecin<br />
<strong>des</strong> urgences) que j’ai déposés à la banque de sang. Il m’a dit que le sang<br />
reste là-bas ; au moment de l’opération, le docteur viendra le chercher. Dr Y est<br />
venu me voir pour me dire de chercher 20 000 Cfa pour l’opération, il va donner<br />
cela au groupe. J’ai dit : « D’accord, je vais me battre pour cela »…<br />
Cet exemple illustre bien les difficultés dans lesquelles se débattent<br />
les familles. Le mari de Tenen travaille et peut mobiliser un réseau<br />
de relations <strong>sociales</strong> utiles mais ce n’est pas toujours le cas. Cet<br />
exemple témoigne de la complexité <strong>des</strong> situations. Petits marchandages,<br />
tarifs officiels et sur-tarifications s’entremêlent. Il existe,<br />
semble-t-il, comme l’illustrent plusieurs cas, un excès de prescriptions<br />
de médicaments. Le mari de Tenen, comme la plupart <strong>des</strong> personnes,<br />
ignore les tarifs officiels et il est soumis à <strong>des</strong> deman<strong>des</strong> d’argent de<br />
sources diverses.<br />
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