La Bataille des femmes - Les Classiques des sciences sociales
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dont le soignant devrait se protéger 1 ou lorsque l’examen clinique du<br />
placenta génère « un sentiment de dégoût et de crainte ». En effet,<br />
l’examen placentaire met en jeu « le nez et l’œil », comme le souligne<br />
Jaffré (2003) et l’absence de vérification placentaire peut ainsi entrer<br />
dans un procédé d’évitement. Une « anthropologie <strong>des</strong> sensibilités et<br />
<strong>des</strong> « sensorialités » relève que « les conduites <strong>des</strong> acteurs correspondent autant<br />
à d’involontaires mouvements du corps, comme la fuite et le dégoût devant certains<br />
symptômes, qu’au respect <strong>des</strong> normes <strong>sociales</strong> idéales... » (Jaffré, ibid. 2003).<br />
Un relâchement <strong>des</strong> normes de sécurité<br />
<strong>La</strong> surveillance<br />
HB dirige un accouchement. Elle procède comme lors de sa garde précédente jusqu’à<br />
l’expulsion du placenta. Une fois le placenta mis dans le sac plastique, elle<br />
vérifie la tonicité, elle sonde la vessie, injecte l’utérotonique puis change de gants et<br />
se prépare à recoudre le périnée. Une fois la réfection terminée, HB vérifie la tonicité<br />
utérine, prend la tension artérielle et confie la surveillance à l’infirmière.<br />
Après une heure, elle vérifie une nouvelle fois la tonicité et l’écoulement sanguin<br />
(cinq semaines de pratique).<br />
Après quelques gar<strong>des</strong>, la professionnelle modifie la prise en<br />
charge de l’accouchée. <strong>La</strong> tension artérielle n’est pas régulièrement vérifiée<br />
et la vessie n’est pas systématiquement vidée, alors que la recherche<br />
de saignements persiste, mais avec parcimonie. Conjointement,<br />
à ce processus, la sage-femme délègue la surveillance du risque<br />
hémorragique à un agent subalterne.<br />
SF effectue un accouchement. Elle palpe l’utérus, vide la vessie, prend la tension<br />
artérielle. SF est affairée autour de la patiente, rassemble et nettoie le matériel, prépare<br />
l’injection d’ocytocine, allonge la parturiente et la recouvre d’un pagne. Une<br />
trentaine de minutes après l’accouchement, la parturiente fait un malaise. Voyant<br />
ses mouvements convulsifs, SF pose sa main sur l’utérus, constate l’atonie, effectue<br />
la révision, puis contrôle la tension artérielle. (Trois semaines de pratique)<br />
<strong>La</strong> succession de ces <strong>des</strong>criptions montre qu’au fil <strong>des</strong> semaines,<br />
la sage-femme relâche la surveillance directe du post-partum<br />
et la délègue à l’agent subalterne. <strong>Les</strong> contrôles sont espacés, par<br />
manque de stimulation, l’utérus devient atone et se gorge de sang, ce<br />
qui entraîne la pratique <strong>des</strong> révisions utérines pour « hémorragie ».<br />
1 Cf « Corps biologique, corps social » (Bonnet,1988)<br />
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