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La Bataille des femmes - Les Classiques des sciences sociales

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pousser en criant également. Sur ces entrefaites, la matrone arrive. Elle sectionne<br />

la cordelette de protection qui entoure le ventre de la jeune parturiente, la frappe,<br />

l’insulte, lui dit qu’il faut pousser, et enfonce son avant-bras au niveau de l’estomac.<br />

Quelques minutes plus tard, l’enfant naît. Un peu plus tard, une tante de<br />

la jeune fille arrive, la matrone et elles se connaissent, elles sont parentes. <strong>La</strong> parturiente<br />

dit qu’elle a été giflée, alors la matrone répond que si elle avait su qu’elles<br />

étaient parentes, elle aurait frappé encore plus fort. Lorsque nous reparlons de<br />

l’accouchement, SF me dit : « je n’ai jamais eu d’accouchement comme cela ».<br />

Elle estime avoir « dépensé beaucoup d’énergie avec cette parturiente ». Selon elle,<br />

l’expulsion a été longue et elle est restée longtemps à son chevet. Elle me dit : « je<br />

lui ai expliqué plusieurs fois, et elle n’écoutait pas ».<br />

Dans cette situation, la matrone est intervenue, jugeant peutêtre<br />

que la parturiente s’agitait excessivement. Mais la violence devient<br />

physique. <strong>La</strong> matrone insulte, frappe, et pratique une expression<br />

abdominale. Selon la SF, la violence verbale et physique de la matrone<br />

ne relève pas de la méchanceté. Elle me la décrit comme « gentille ».<br />

Elle est gentille avec les patientes, elle est très gentille, elle s’occupe très bien <strong>des</strong><br />

patientes, elle lave même leurs habits, oui elle les nettoie très proprement, elle fait<br />

le nursing très proprement, elle est très gentille avec les patientes... C'est peut-être,<br />

la petite l’a un peu énervée, mais elle est excellente.<br />

<strong>Les</strong> violences physiques et verbale - qui allaient bien au delà de<br />

celle que nous avons rencontrée 1 - ont été répertoriées dans d’autres<br />

travaux (Jaffré & Prual 1993, Jaffré & Olivier de Sardan 2003, Jewkes<br />

1988).<br />

Lors de la <strong>des</strong>cription de la violence physique observée au<br />

cours de la prise en charge de l’expulsion, nous avons indiqué que la<br />

matrone utilisait l’expression abdominale 2 , consistant à appuyer sur<br />

le fond utérin avec l’avant-bras, puis à diriger la pression vers le pubis,<br />

afin de « pousser » l’enfant hors de la filière pelvienne. Ce geste s’effectue<br />

conjointement aux efforts expulsifs de la parturiente. <strong>La</strong> pratique<br />

de l’expression abdominale devient systématique et s’accompagne<br />

d’une interaction verbale agressive (débit de parole précipité,<br />

ton élevé), et d’une interaction gestuelle brusque. Ayant été pratiquée<br />

1 <strong>La</strong> présence de l’observatrice a un effet sur les actrices suivies qui est difficile à mesurer.<br />

Nous ne pouvons dire dans quelle mesure il est inhibiteur, ou facilitateur, de<br />

certaines pratiques, notamment lorsqu’il est question de violence.<br />

2 Signalons que la pratique de l’expression abdominale est officiellement proscrite depuis<br />

de nombreuses années, bien que pratiquée par toute la corporation<br />

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