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La Bataille des femmes - Les Classiques des sciences sociales

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Ce que je fais ici n’a rien à voir avec la théorie apprise, on traite en fonction <strong>des</strong><br />

signes cliniques et avec les moyens du bord.<br />

Evolution d’un raisonnement d’« école »<br />

CS a pris ses fonctions depuis un mois, elle me raconte une expérience d’évacuation.<br />

Elle avait pris cette décision car elle suspectait une disproportion fœtopelvienne<br />

et craignait une souffrance fœtale. «J’ai évacué pour que le nouveau-né<br />

naisse en bonne santé dans les conditions qu’il faut, mais malheureusement c’est<br />

pas toujours le cas. Même quand il y a les médecins, parfois ils laissent accoucher<br />

les <strong>femmes</strong> par voie basse, ce qui ne devrait peut-être pas se faire… Une fois, j’en<br />

ai même discuté avec le médecin : « pourquoi faut-il référer ? », parce que c'est ce<br />

qu’on m’a appris moi,...Je pense que toute pathologie ou grossesse à risque, je dois<br />

référer c'est ce qu’on m’a appris en tout cas à l’école. À chaque fois que… j’ai <strong>des</strong><br />

doutes, ou bien si je pense qu’il y a une pathologie en <strong>des</strong>sous, il faut référer, c'est<br />

ce qu’on m’a appris à l’école. C'est ce que je fais jusqu’à présent, peut-être que le<br />

médecin n’est pas de mon avis, mais je pense que c'est mieux pour les <strong>femmes</strong>…<br />

surtout pour une débutante comme moi, on ne peut pas risquer... CS m’explique<br />

ensuite que leur désaccord aura donné lieu à un débat houleux, à l’issue duquel<br />

chacun sera resté sur ses positions. Quelques semaines plus tard, elle apprend que<br />

la patiente a accouché par les voies naturelles et aura eu une importante déchirure<br />

périnéale, qu’elle-même devra traiter par la suite. Plus tard, le médecin réitère son<br />

conseil. En reprenant les paroles de celui-ci:" Vraiment, il ne faut plus référer,<br />

parce que tu as vu, tu as référé <strong>des</strong> « primi », elles ont non seulement accouché par<br />

voie basse mais la réparation <strong>des</strong> périnées n’était pas parfaite, donc il vaut mieux<br />

les prendre en charge ici".<br />

Dans ces deux : il n’y a qu’une situation décrite ? situations, les<br />

sages-<strong>femmes</strong> orientent les patientes dans un souci de prévention lié<br />

au diagnostic effectué. En effet, aucune n’était en réelle situation d’urgence.<br />

Dans ce contexte de pratique quotidienne, le raisonnement<br />

préventif est considéré comme excessif. Devant la réplication de ces<br />

situations, CS redéfinit les motifs d’évacuation, et évacue avec plus de<br />

parcimonie. On assiste ici à un processus de « déliquescence » du<br />

risque tel qu’enseigné. Il n’est plus question de prévention au sens où<br />

les sages-<strong>femmes</strong> l’ont appris, selon <strong>des</strong> normes officielles, mais d’une<br />

prévention qui permet à la patiente de se sortir <strong>des</strong> situations pathologiques<br />

« le mieux possible ».<br />

C’est pourquoi, en pratique, la sage-femme apprend à évacuer<br />

lorsque la pathologie est en place et uniquement pour éviter de l’ag-<br />

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