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La Bataille des femmes - Les Classiques des sciences sociales

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moins dans l’au-delà, tu as une récompense. Quand tu vois quelqu’un qui est<br />

souffrant et tu arrives à le sauver, même si tu n’as rien tu es soulagé (Dr. M.).<br />

Enfin, et nous ne ferons ici que nommer très succinctement<br />

quelques traits de ce rapport sensible à soi, les personnels de santé<br />

agissent en fonction d’une « épaisseur » affective et historique. Certaines<br />

situations vécues se présentent ainsi comme de véritables mémoriaux<br />

: <strong>des</strong> incorporations émotionnelles de la profession.<br />

Ma première nuit de garde, j’ai été frappée par l’hémorragie, parce qu’en chirurgie<br />

c’est vrai qu’on a <strong>des</strong> cas comme celui que j’ai vu, un hématome rétro-placentaire<br />

où la femme saignait de partout. J’étais vraiment dépassée par l’hémorragie,<br />

ça m’a effrayé et depuis ce jour là, j’ai peur de ce tableau. (…) Le sang ne se coagulait<br />

plus. Elle saignait du nez, <strong>des</strong> gencives, et l’hémorragie vulvaire était là.<br />

Nous l’avons opérée, mais en vain. (Dr. H.).<br />

Autre exemple :<br />

(…) Nous avons voulu faire sortir le premier enfant, mais c’était impossible, elle<br />

était déjà morte. Ce jour, j’ai vraiment eu peur, c’était la première fois. J’avais<br />

peur de rester là parce que j’étais logée dans l’enceinte de l’hôpital, ensuite il y<br />

avait l’obscurité. J’ai eu peur que son spectre vienne me chercher pendant la<br />

nuit… (Mme H., SF).<br />

Cette mémoire, véritable inscription du sujet dans son acte<br />

professionnel, est bien peu interrogée et prise en compte. Pourtant<br />

cette dimension émotionnelle est essentielle pour décrire et analyser<br />

les rapports de l’acteur à sa profession. Elle est, bien évidemment,<br />

particulièrement « à vif » face à la mort de certaines parturientes.<br />

C’est dur, moi quand je perds une malade ça me fait mal. Tu reçois une personne,<br />

vous parlez longtemps et d’un seul coup, elle s’éteint. C’est comme si tu n’as pas<br />

joué ton rôle de médecin. (…) Chaque fois qu’on enregistre un décès, on s’en souviendra<br />

longtemps, car à la faculté de médecine, on nous avait enseigné que le médecin<br />

doit consoler, soulager et guérir. S’il ne réussit pas à guérir, il doit au moins<br />

consoler et soulager. De façon permanente, nous avons une charge sur la conscience<br />

(Dr. H.,en cours de spécialisation).<br />

Alors, il s’agit certes de « personnels » de santé, mais comment<br />

séparer ce qui serait de l’ordre <strong>des</strong> déterminations humaines et <strong>sociales</strong><br />

et ce qui relèverait du strictement « professionnel » ? Comment<br />

espérer « transformer » <strong>des</strong> conduites envers les patients sans prendre<br />

appui sur ces dimensions <strong>sociales</strong> et affectives ?<br />

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