La Bataille des femmes - Les Classiques des sciences sociales
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de surprise, la sage-femme s’immerge totalement dans l’événement<br />
médical. L’acte d’intervention est de courte durée et progresse vers<br />
une phase de surveillance rapprochée de la patiente, une fois le risque<br />
de décès jugé maîtrisé.<br />
Un fait ordinaire : illustration de la norme de l’urgence<br />
Il est 15 heures et, comme lors de nos précédentes rencontres, SF et moi partons<br />
manger. Le grand plat est installé entre les deux lits de la salle de repos, sur une<br />
tablette. Nous sommes suffisamment près de la salle d’accouchement pour entendre<br />
ce qui s’y passe. Pendant le repas, la matrone reçoit une parturiente, sans<br />
en informer SF, ce qui semble aller de soi. Le repas terminé, nous retournons en<br />
salle. SF y découvre la parturiente seule, en train de pousser. Après l’avoir examinée,<br />
elle l’installe sur le bassin, la tête fœtale est engagée à partie basse. Nous<br />
apercevons les cheveux de l’enfant. Rien n’est prêt, ni pagne, ni gant d’accouchement,<br />
ni matériel, ni sac à placenta, ni savon liquide, ni bain chaud 1 . Sur les<br />
instances de SF, j’apporte la boîte d’accouchement, mais, le temps de l’ouvrir, l’enfant<br />
naît. SF dépose l’enfant sur l’extrémité de la table d’accouchement, à côté du<br />
bassin, coupe le cordon ombilical, et l’enveloppe dans le foulard de tête de sa mère.<br />
L’urgence d’imminence d’expulsion est écartée, le périnée ne s’est pas déchiré et<br />
l’enfant a crié. Maintenant, SF n’a plus qu’à attendre le décollement placentaire.<br />
Bien entendu, elle est intervenue auprès de cette parturiente sans connaissance de<br />
son dossier. L’unique question, qui précède l’expulsion, concernait sa parité.<br />
Accoucher une parturiente sans avoir préalablement sorti le<br />
matériel et sans consulter le dossier sont <strong>des</strong> faits courants. Ce qui<br />
souligne que, contrairement aux propos énoncés, d’une manière générale,<br />
les sages-<strong>femmes</strong> n’anticipent pas l’urgence. Elles en attendent<br />
les « signes » d’une urgence ; dans le cas cité, « l’envie de pousser ».<br />
Une patiente est hospitalisée pour syndrome toxémique, et antécédent d’éclampsie,<br />
elle est déjà traitée par Valium® en perfusion, reste dans un lit sans surveillance<br />
spécifique 2 . Après une journée d’hospitalisation, elle fait une nouvelle crise<br />
d’éclampsie. SF se rend compte que la patiente ne reçoit plus son traitement antiéclamptique.<br />
Celui-ci n’avait pas été renouvelé lors du changement flacon de glucosé.<br />
Une fois le constat effectué, la professionnelle injecte en intraveineux direct le<br />
Valium, mais ne dispose pas de canule à mettre dans la bouche de la patiente,<br />
pourtant vivement conseillée, afin d’éviter la morsure de langue. Dès son arrivée,<br />
1 Mettre l’enfant dans un bain chaud est une activité spécifique de ce service. Cette<br />
technique, introduite depuis peu dans le service, est en fait rarement appliquée.<br />
2 Pas de surveillance tensionnelle rapprochée qui soit retranscrite sur feuille volante<br />
ou dans le dossier.<br />
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