Orphée 2001 - Margelle

Enfin, durant le compte à rebours d’une fin du monde annoncée (le Pèlerin
était aux portes de New York), elle avait, se préparant à mourir, imaginé
dans son délire le modèle V, à la manière d’Hitler dans son bunker, fabu‑
lant sur les armes secrètes qui changeraient le cours de son destin. Le hic
était qu’aucune technologie ne pouvait produire un Vatican V, système
mixte bionique et AI, léger et transparent, transmissible par une gélule
ou une simple poignée de main et qui s’adapterait pour leur vie au corps
des condamnés. Commandé à distance ou programmable, il détecterait les
péchés de son hôte et le confesserait automatiquement tout en implantant
dans son esprit une forte image d’elle. Elle en avait même éprouvé son
premier orgasme.
J’opérai donc un rapprochement assez logique entre ces deux femmes.
Les quelques secondes de cette réflexion l’avaient passablement indispo‑
sée. Elle répéta sèchement sa question.
‑ Pas directement, mais êtes‑vous également spécialisés dans les sys‑
tèmes biomécaniques ? lui demandais‑je abruptement.
‑ Récemment, dit Tsorne qui m’analysa d’un bref coup d’œil. Brrr ! Cette
femme était l’une des plus sexuelles et des moins désirables que j’aie
jamais vu. Elle me les gelait.
‑ J’avais envie de vous connaître, ajouta‑t‑elle.
‑ Très flatté. Mais pourquoi ?
‑ Pas vous. Vous êtes inintéressant. Je voulais voir celui qui a pu s’ap‑
procher d’Oriane.
J’ajustai ma vision intérieure et risquai un coup d’œil en elle.
Le mal. C’est un concept, mais quand vous l’approchez, il vous affecte
énormément. Ça ressemble à une très basse température de l’âme. À l’in‑
térieur de Tsorne, j’éprouvai la qualité d’un noir absolu. Il fallait que je
l’évite. De plus, je ne voyais pas du tout ce que nous avions à nous dire.
J’allais me lever pour prendre congé, quand elle me devança. Elle s’était
levée la première et avait franchi la distance qui nous séparait si vite que
je crus à une illusion.
‑ Venez, dit‑elle, nous allons jeter un coup d’œil sur les récentes réali‑
sations d’AllGen. Vous en parlerez certainement avec la mère lumineuse.
Je la suivis, sans lui demander ce que signifiait ce titre bizarre. La mère
lumineuse, c’est Marie. Un point c’est tout.
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