Orphée 2001 - Margelle

‑ Je voudrais, lui dis‑je, avant que le ciel ne nous tombe encore une fois
sur la tête, faire un petit bilan, voire le point de notre situation.
Elle leva un sourcil mais ne dit rien.
‑ Quelque chose me dit que tu n’es plus Kali la douce…
‑ Possible. Mais je suis tienne et je pense toujours connaître les ensei‑
gnements d’Hassan.
‑ Je ne sais pas s’ils vont être très utiles dans le monde que j’imagine.
Je me demande même ce qui se révélera très utile ! Il y a une autre chose
qui me fait peur.
‑ Tu penses à Lui, n’est‑ce pas ?
‑ Je pense à Lui. Et je pense qu’Il est parti.
‑ Jacques, dit‑elle avec un air étrange, crois‑tu vraiment que cela fasse
une grande différence pour la majorité des humains ? Je trouve quand à
moi qu’Il est resté bien trop longtemps. Bien plus que ce monde ne le
méritait. Où est le problème ? Il a fallu des siècles pour Le faire venir de
la grande couronne, on ne va pas Le rappeler en cinq minutes ! Ce monde
est orphelin, je le sais.
Je la regardai en coin à « Et tu trouves ça drôle ? »
‑ Fallait pas ! dit‑elle très souriante.
‑ Fallait pas quoi ?
‑ Fallait pas tuer le Père ! Les gens vont devoir assumer. Ce monde est
déréglé, ajouta‑t‑elle. Ton épisode du Vatican est très significatif, tu n’as
nullement halluciné, tu as accompli une chute modulante.
J’ignorais totalement ce qu’une chute modulante pouvait être et le lui
dis.
‑ Oh tu sais, c’est une chute dans le temps généralement, lors de laquelle
tu revois des situations que tu influences sans le vouloir. C’est pourquoi
je l’appelle modulante. Et dans le cas du Vatican tes souvenirs sont tel‑
lement traumatisants que tu as sans doute agi sur cette version du réel et
développé la chute de la Maison de Pierre. Elle existe toujours, tu n’as vu
qu’une très forte probabilité. Méfie‑toi ! Il faut vraiment t’attendre à une
série de peaux de bananes.
‑ De quel genre ?
‑ Espace et Temps.
‑ Mais encore éternelle rebelle ?