Orphée 2001 - Margelle

Zadig ou Candide ?
Ce jour‑là Concorde, l’Oiseau Merveilleux, tomba à Roissy. Et ça me
fit mal. C’était plus que le deuil d’une centaine de passagers et d’hommes
d’équipages, c’était la mort d’un symbole, France, Angleterre et Europe.
Dans ce monde dominé par le géant américain je me sentis dans la peau
d’un Européen fragilisé. Concorde pour tout le monde était un mythe
donc quelque chose de beau, d’invulnérable. On avait touché à l’une de
nos icônes sacrées, je vis bien, autour de moi, les gens réagir de la même
manière. Je chassai cette pensée de mon esprit mais la journée devint un
peu plus sombre.
C’était un été bizarre et pourri, on supportait d’incroyables écarts de
température et d’humidité. On gelait au Nord et au Centre, on brûlait au
Sud. L’Europe et l’Amérique perdirent d’incroyables surfaces de forêts.
Il allait se passer quelque chose, je ne savais quoi mais mes interfaces me
le répétaient.
‑ Sauver le monde devient barbant, déclarai‑je à Oriane fort absorbée à
se peindre les ongles des pieds. Quand tout va bien, selon ses critères, elle
s’adonne à des sports de pieds. Les mettre dans ma bouche ou les peindre.
J’étais ravi qu’elle ait conservé son côté gamin ! Dame… après le Flash
ou ne serait‑ce que le White Out, j’aurais pu la retrouver changée. Je ne
savais pas si elle était toujours Kali la douce, elle non plus d’ailleurs.
C’était sans importance. Si ce n’est que je commençais à en avoir marre
d’assumer le rôle de sauveteur de l’univers. Mettez‑vous à ma place, des
tas de connards hautement spécialisés dans ce rôle avaient sévi avant moi,
Batman, Superman, James Bond, Guillaume Tell, L’inspecteur Gadget,
Roger Rabitt, les bosons de Higgs, etc.
‑ Oui, c’est vrai. Et je ne comprends pas pourquoi tu t’obstines à écrire
dans le genre polar, de nos jours un roman policier ne contient plus de
policiers. Seulement des acteurs. Tu sais quoi ? Tu es un héros voltairien.
Je dirais un Zadig, pour commencer.
171