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Orphée 2001 - Margelle

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L’approche du caché<br />

Il me fallut du temps pour geler Ibiza.<br />

139<br />

la fin de la Quête<br />

Gabriel faisait défiler devant moi les immensités<br />

de l’espace et du temps. Je m’en fichais pas mal.<br />

Derrière chacun de ses mots, derrière chaque<br />

grain de sable, derrière chaque étoile brillait d’un<br />

éclat sombre le visage de Marie.<br />

(Jean d’Ormesson, Le Rapport Gabriel)<br />

Je commençai par tenter de calmer mes pensées. C’était presque impos‑<br />

sible, Une idée me venait, elle en prenait d’autres par la main. Parfois<br />

dans le sommet de mon crâne je voyais pendre un million de fils rouges<br />

et je ne pouvais m’empêcher d’en tirer un, au hasard. Et c’était le déluge<br />

d’images, de chocs, de souvenirs, de projets et de bruits. Avec beaucoup<br />

de peine, je parvins à améliorer mon sommeil. Je cessai pratiquement de<br />

me nourrir et je bus beaucoup d’eau. La nuit, il m’arrivait de transpirer<br />

si fort que les gouttes de sueur tombant de mon torse sur mon bras me<br />

réveillaient. Ce n’était qu’au bord de la mer, à l’aube ou au crépuscule,<br />

que je trouvais du repos. Avec obstination, difficulté, acharnement, je ten‑<br />

tai de vider de mon esprit les boucles folles qui tournaient sans relâche.<br />

Un soir au bord de la mer, dans un petit coin de rochers où les gens ne<br />

songeaient pas à descendre, je croisai un homme jeune, vêtu de blanc.<br />

« C’est très difficile » lui dis‑je, il allait sans doute me prendre pour<br />

un drogué. Mais il acquiesça d’un hochement de tête, sans dire un mot.<br />

Inexplicablement, c’est de cette rencontre que date le vrai début de ma<br />

retraite. Je sus qu’il me fallait abaisser la température du monde. Geler<br />

l’île et toutes ses pavanes bruyantes. Je m’exerçai à creuser autour de moi<br />

un tunnel dans lequel je me déplaçais. Les sons et les bruits s’atténuèrent<br />

un peu. Je travaillais avec passion à rendre cette roche cristalline froide et<br />

sélective. Froide pour geler le monde, sélective pour laisser passer la voix

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