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Orphée 2001 - Margelle

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je fus capable de me promener dans une foule et d’assourdir le fracas des<br />

pensées qui me blessaient tant. Les gens commencèrent à se mouvoir de<br />

plus en plus lentement. Je m’attaquai au soleil, le temps était venu. Un<br />

soir, les pieds dans le ressac paisible des vagues, je m’adressai à l’astre<br />

déclinant avec simplicité et lui demandai de rester, le temps qu’il faudrait,<br />

de l’autre côté du monde. C’est ainsi que je suis devenu nocturne. Et por‑<br />

teur de lumière, une variante étrange de Lucifer, car l’orgueil était ce qui<br />

m’habitait le moins.<br />

Les jours qui suivirent, je ne sortis que dans les ténèbres, il n’y avait<br />

plus de jours.<br />

Je fus très surpris de réaliser que je n’étais pas le seul à pouvoir des‑<br />

cendre vers l’humilité et le renoncement. Je suis entré dans un bar à tapas,<br />

là où bien longtemps avant j’avais dégusté de délicieuses croquettes de<br />

poisson avec Margot la Noire, et j’ai observé les clients bleus et gelés qui<br />

s’étaient trouvés figés en diverses positions. J’entendis un rire chaleureux,<br />

coloré et clair ! Que se passait‑il ? Je me tournai et découvris en face de<br />

moi un petit homme chauve, très haut en couleur, qui paraissait me voir.<br />

Il se moqua de mon aspect spectral. On pouvait descendre les échelles<br />

du temps et de la simplification sans se donner l’air d’un spectre, me<br />

dit‑il en agitant les bras. Il me fit rire. Je lui dis que j’étais à la recherche<br />

d’une morte. De mon amour défunt. Qu’une fois encore, je me nommais<br />

<strong>Orphée</strong>, mais que cette nuit‑là je pensais réussir. Ah ! l’enfer, commenta‑t‑<br />

il, c’est bien ce qui nous entoure, cette terrifiante vanité, cette accélération<br />

sans fin. Il ajouta que je trouverais, que je n’étais pas encore parvenu au<br />

niveau le plus fondamental. Que ce niveau n’existait peut‑être pas en soi,<br />

qu’il devait être une sorte de… record de plongée. Certains étaient allés<br />

très bas, immensément profond. Mais qui sait ? Il y avait probablement<br />

d’autres strates sous le Temps, il me fallait poursuivre. Je le fis par la des‑<br />

truction de tout langage. Je substituai des images de bases à toutes choses,<br />

j’appris à visualiser ma femme en associant de fugitifs symboles, des<br />

reflets avec lesquels je jouais mais qui m’échappaient toujours. Mon âme<br />

était encore trop chaude, je descendis dans les nuits. Il m’arriva de croiser<br />

des enfants, quelques fous et des femmes simples, portant un enfant dans<br />

leurs bras, ils avaient tous conservé leurs couleurs et slalomaient dans le<br />

labyrinthe de ces statues de glace. Par la suite, je vis sur une plage des<br />

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