Orphée 2001 - Margelle

Tsorne
C’était une femme en colère et son nom le disait.
65
Toscane, les origines de l’enfer
Pas comme Lorena la Péruvienne ni même Laura la Vaticanale qui
faillit nous tuer Oriane et moi. Elle se foutait du féminisme et des droits
de l’homme comme de la femme. Tsorne n’avait qu’une religion, vaincre,
qu’une passion, son cheval, ce qui est courant chez les femmes de carac‑
tère. Unie à lui, elle parcourait son domaine d’Alternance de jour comme
de nuit. Elle faisait partie de sa monture, aimait sa force, son odeur et sa
vitesse, l’incroyable union de cette fougue avec sa domination féminine.
Et quand elle n’était pas cavalière, elle se consacrait à deux choses à l’ar‑
gent, une passion seconde, et la domination de la gent masculine, un goût.
Quand elle apparaissait dans une réunion, en amazone généralement, les
conversations baissaient d’un ton. Tsorne était une mutante, un produit
de cette période postféministe, une femme sauvage remontée trop vite
à la lumière, une nature brute de femme à la violence sans égale. Cette
brune de taille moyenne aux yeux verts régnait sur un empire technolo‑
gique à AllGen Inc. À l’âge de dix‑huit ans, elle avait mis la main sur un
chercheur de génie, Juan, un jeune généticien, et l’avait si bien envoûté
puis enkysté qu’elle avait pu racheter pour rien les brevets de clonage
accéléré qui étaient à l’origine de la puissance d’AllGen. Un sens aigu du
machiavélisme, une férocité sans faille, une vrillante intelligence alliée à
une beauté très sexuée l’avaient propulsée à une place de pouvoir. C’était
AllGen qui avait conçu et produit en série le fameux Vatican V pour l’ad‑
ministration Clinton puis pour l’Église de la Révélation (s) permanente.
Tsorne et Barbara s’étaient très bien comprises. Tsorne était l’équivalent
de Bill Gates, en plus jeune, plus moderne et plus fatal. Elle n’avait eu
besoin que de six ans pour édifier AllGen.