Orphée 2001 - Margelle

de l’archet sur la corde du violon ou, à l’opposé, ces paquets irréguliers de
sons que l’on peut traiter pour en faire de la musique. Existait‑il un poète
qui eut parlé du bruit de la mer comme vous parlez du bruit de la circula‑
tion dans une ville ? Nous manquions tout simplement de mots. Toutefois,
Jésus faisait allusion à quelque chose de beaucoup plus rare, il aimait lire
le bruit humain. Ce qui, en principe, est un attribut divin…
‑ J’ai entendu quelques expériences de musiciens qui transposent le bruit
des étoiles, lui dis‑je.
‑ Ah oui ! Jupiter diffuserait une sorte de colonne harmonique ressem‑
blant aux cordes à vide d’un violon ! Mais, n’écoute pas trop le soleil,
l’homme n’est pas fait pour ça.
‑ Ni ça ni le bonheur, fis‑je, rien que la buena onda à la bonne amplitude,
avec un zeste d’imprévu.
‑ Peut‑on doser la folie ? Mais, à ce niveau, je crois que tu sais comment
te débrouiller.
Pourquoi ne sommes‑nous pas restés sur cette île ? Nous pouvions nous
y faire une place. Quel besoin avions‑nous de retrouver les concentrations
de la folie humaine ? Je regardai Oriane, je lui transmis tout ce qui me
paraissait encore possible. L’impertinence sarcastique du vent des som‑
mets, les ruades des vagues, les rues blanches et tranquilles et le calme
éternel du soir, quand l’astre s’en va. Nous aurions, l’été, évité les trois
mois de folie, vécu en retrait. Les îles ne sont à personne si ce n’est aux
gens humbles. Nous devions vivre ici. Quel est objet de la vie si ce n’est
elle‑même ?
‑ Jacques, m’interrompit Oriane, j’ai connu ce genre de pensée chez
Fahwaz. Crois‑moi, il est trop tôt, si tu es venu à moi ce n’est pas pour
suspendre le cours des choses. Jésus vient de te le dire.
Mon fils avait des yeux malicieux. Et profonds.
‑ Il reste beaucoup à écouter dans le bruit humain ! conclut‑il.
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