Orphée 2001 - Margelle

me gifla furieusement une dizaine de fois tout en me maintenant un bras
paralysé. Tordu de souffrance je me retrouvai à terre, ses bottes autour du
cou, gratifié d’une prise étrangleuse vraiment horrible. Je sentais l’odeur
du cuir, du vernis, de son sexe et de sa transpiration furieuse.
‑ Tu n’avais jamais trouvé une femme qui te mette à ta place petit
homme ? Elle est arrivée. Même moi, je n’ose penser à l’addition qui
t’attend.
Elle ponctuait ses phrases de claques sur les oreilles, je devenais tota‑
lement sourd, des disques lumineux passaient en vrille devant mes yeux,
une aiguille chauffée au rouge pénétrait aimablement mes tympans.
‑ Lève‑toi donc ! Je reçus un horrible coup de botte dans le dos, mon
corps était entièrement tordu. Tsorne s’approcha de moi, elle avait remis
la main sur son éternelle cravache.
‑ Pour Barbara, dit‑elle en m’ouvrant la joue gauche.
‑ Pour Matias ! Ça, c’était la poitrine à la hauteur des seins. Ça duèle,
même pour un homme…
‑ Pour Juan. Les deux bras en sang, d’un puissant aller et retour.
‑ Et maintenant une vraie première correction, pour AllGen. Aimerais‑tu
me dire quelque chose avant de commencer à hurler ? Tu ne pourras plus
t’arrêter !
‑ J’allais rassembler mes dernières forces pour lui dire d’aller se faire
mettre, de crever la gueule pleine de merde, pour lui dire qu’elle n’était
rien qu’une pauvre folle quand je reçus un choc encore plus violent que
tout ce qui précédait.
Mais ça ne venait pas de Tsorne.
Ça venait du plafond. Je m’aperçus qu’elle était immobile, figée, que le
temps était suspendu. Comme dans les caves d’Alternance. Et en même
temps je me transformais, mais beaucoup plus férocement et profondé‑
ment. Mon corps perdit quelques centimètres, je retrouvai cette agréable
sensation de la perte du pénis et du gonflement des seins. J’étais beaucoup
plus dense et plus équilibrée. Cette fois je sus qui prenait possession de
mon corps, ce n’était pas l’archétypale Sœur Lô, Genèse des mondes,
c’était Oriane. Et en un éclair je saisis ce qu’elle avait fait : elle s’était
projetée en moi à l’instant de sa mort. Elle venait de donner un sens com‑
plètement neuf au mythe d’Orphée. C’était elle, la morte, qui venait me
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