Orphée 2001 - Margelle

Abyssales orgues de basalte
Parallèle aquesonore
Il existe au fond des mers une cathédrale, un entassement et de basaltes
noirs posés là, par la mémoire des volcans et leurs immenses colères, ces
cratères qui restent encore actifs dans les profondeurs marines, autorisant
l’existence de toutes sortes de merveilles provisoires.
Ces îles, dont les visages insoumis dominent la mer et surtout les falaises
et leurs vertigineux à pic sont les Açores. Elles envoient sur l’Europe ces
hautes pressions qui génèrent les tempêtes de ciel bleu. La route de notre
armada croisait ce surgir tellurique et sa cour miraculeuse. Peu importe, à
ces profondeurs, qu’on soit écaille ou chitine, nageoire ou carapace, on est
entre gens de mer. L’humain n’y a fort heureusement pas sa place — bien
qu’il y songe. Les geysers qui jaillissaient des nombreuses bouches volca‑
niques rendaient la base de ces îles tout à fait féerique. C’était le pays fer‑
tile dont avait rêvé un certain Paul Klee. Nos voyageuses s’enchantèrent
de diverses musiques très proches, les chants des orques, des cachalots et
des calmars géants, longues sonorités pareilles à des lames de verre frot‑
tées, filtrées par le richissime bouillon de culture du plancton qui s’étirait
selon les voies de la chaleur. Par principe elles évitaient les calmars, bien
qu’elles n’eussent constitué pour eux qu’une proie de peu d’intérêt. Il leur
fut toutefois donné de faire exception à cette règle.
La base même des Açores ressemble à une très large table, surmontée
de hautes cheminées de basaltes, semblables aux tuyaux d’un impensable
orgue sous‑marin.
C’est là que vivait et récitait une créature qui n’est recensée dans aucun
dictionnaire, un poulpe gigantesque et transparent — comme si l’eau de
la mer pouvait se densifier et prendre la forme d’un très improbable orga‑
niste — nous l’appellerons Jean‑Séb DesMers — car cette créature avait
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