Orphée 2001 - Margelle

La tempête
Seconde partie
La peur qu’inspire une tempête est préalablement
écrite en soi
(Moi)
Sachant que Beethoven s’était inspiré d’elle pour composer l’Apassio‑
nata, je n’ai jamais voulu lire La Tempête de Bill S*. J’aime trop ce délire
en fa mineur pour ouvrir les pages de ce que je sais être un chef‑d’œuvre.
Je commence ce chapitre sur le ton familier et conteur que vous me savez.
Je vous fais des confidences. A mi‑voix. Mais c’est pour masquer ma peur
et mon chagrin, la réalité était insoutenable.
J’avais vaincu Tsorne mais Oriane était morte. Et Jésus disparu.
Quand il s’était effacé des écrans, les chaînes de télévisions furieuses
avaient interrompu leur retransmission en tenant des propos incohérents.
La Crucifixion en rose, dirent plus tard leurs représentants, était une escro‑
querie. Il n’y avait pas de show. L’insondable vulgarité des Américains
permit ainsi au dernier acte de cette tragédie de se jouer à huis clos.
Un proche, quelqu’un qui tisse notre vie meurt, l’irréparable s’est pro‑
duit nous en sur l’instant étrangement, peu affectés. L’onde de choc est
dans le futur. Je me retrouvai seul sur cette scène, marchant de long en
large entre les dépouilles dérisoires des clones de top models. Ces longs
corps blafards et sans vie manquaient autant de dignité dans la mort que
dans ce qui leur avait servi d’existence. Où étaient les dépouilles de
Tsorne et Barbara ?
À vrai dire je m’en foutais. Une grande chape de glace descendit sur
moi et me coupa du monde extérieur. La mort, quand elle ne me fait pas
pleurer, m’ordonne de méditer sur le choix du héros. J’ai souvent écrit sur
le choix impossible que les dieux donnèrent à Achille, pour se moquer
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