Orphée 2001 - Margelle

lement de grandes femmes que cette pensée a traversées et qui ont plus
ou moins réussi à mener à son terme un si ambitieux projet, que je ne
m’inquiétai pas outre mesure. J’attendis la suite, feignant l’embarras voire
même l’inquiétude.
Il se mit à arpenter ma moquette vieux rose tout en produisant des sons,
des paroles et des borborygmes.
‑ Onmrrphh ! Voyons, screufèèème scrrrreufème, la grondition (cracho‑
tis crachota) de baise de gmon pardon résine en — heurrrmmm glûûppp
(il laissa une trace limandière et luisante devant mon fauteuil) la cession
intégrale de — screufèèème, onfrelahh, screufèèème — vos idées, biens,
femmes et autres, arffffghôôômmm, dumürghh (glaires), je dis bien
« notamment autres biens », tchemise et zregards jarmeurs inglus.
‑ Ah ! dis‑je, mais cela va de soi. C’est pour ainsi dire la moindre des
choses !
‑ N’est‑il pas ? Un bref instant il parut jeune et propre mais ça lui passa.
‑ Alors vous le signez ce contrat définitif ?
Était‑il le diable ? Je ne crois pas. Il était l’incarnation de ce qui, chez
l’homme, a ravi sa place au Diable.
‑ Aimez‑vous la mer et ses fruits ? demandais‑je d’un air indifférent.
‑ Che brévère la zoukroute, répondit‑il, trahissant une partie de ses ori‑
gines, mais z’il y a brofit zed à foire.
‑ Eh bien, dis‑je de l’air le plus innocent que je pus trouver à dix blocs
à la ronde, c’est tout vu. Je vais vous donner un point de départ et un cap
scrofuleux à suivre de manière glussudégoûtante. Rendez‑vous à Perros‑
Guirec, cet ex charmant petit village breton où la mer résiste aux touristes.
Contemplez, en fin d’après‑midi, à marée basse, la rose des vents que les
navires à leur mouillage dessinent avec une insondable perfection. Puis
rendez‑vous tout bêtement au Sûroit, un petit bistro qui se trouve sur
le port. Demandez leur « grand » plateau de fruits de mer et, si vous le
pouvez, laissez‑en les saveurs entrer en vous. Il vous suffira, par la suite,
de suivre ce cap (je griffonnai quelque chose sur une feuille de papier qui
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