Orphée 2001 - Margelle

les services secrets ces derniers temps. Il ne fallait pas que les accords de
Latran soient remis en questions et que la Cité de Pierre tente d’annexer
le Trastevere ou le Wedding Cake. Fort heureusement, souligna‑t‑il, sa
récente prise de position antiœcuménique risque de l’occuper aussi fâcheu‑
sement que le front de l’Est à occupé Hitler quand il a commis l’opération
Barbarossa. Les Italiens savent très bien que le catholicisme est l’unique
voie qui mène à Dieu, mais ils savent garder ce secret ! Il éclata d’un grand
rire affreusement sympathique. Le pays, poursuivit‑il, après les années de
plomb, la banque Ambrosiano et surtout celle de l’Esprit Saint, avec une
lire battant le grand bleu en apnée financière et une instabilité gouverne‑
mentale en pleine croissance, le putsch politico‑médiatique de Berlusconi,
les aléas de l’opération mani pulite — un choix bien étrange en ce qu’il
associe les mains propres et la manipulation — l’Italie aspire à l’honnê‑
teté, à la clarté, le peuple a envie de respirer tranquillement ses Acariens.
‑ Y a‑t‑il une chance pour que cela se produise ? fis‑je curieux.
‑ Ah ! Aucune. La machine à corrompre est en route, les élections auront
lieu dans une année et le « petit Duce » souriant reviendra au pouvoir.
Pour atténuer l’effet de ces sombres paroles je préparai des cocktails
et Maria Magdalena, la suppléante de Laquedeem — qui se prenait tou‑
jours pour le juif errant — nous mitonna des petits plats. Dante était aux
(michel) anges. « Celui qui n’aime ni le vin, ni les chansons ni les femmes
est un bien grand fou » récita‑t‑il. Les Grecs nous en avaient causé mais je
préférai nettement le style italien. On devisa tard dans la nuit, puis il prit
congé et baisa cérémonieusement la main d’Oriane. Aucune trace suspecte
sur son pantalon, je vérifiai du coin de l’œil, déclenchant une amorce de
half moon smile. J’étais certain qu’Alighieri avait deviné les origines
toscanes de la belle, sinon il ne l’eut pas appelée Béatrice à diverses
reprises. Oriane qui avait feint de ne pas s’en apercevoir, le raccompagna
et, revenant vers moi, me posa la question classique à « Tu crois vraiment
ce qu’on dit des mâles italiens ? Qu’ils évitent le passage à‑l’acte ? »
Je lui dis que non. De plus j’avais des origines italiennes, elle n’avait
qu’à vérifier sur la bête. Avec elle on ne pouvait simplement pas être
jaloux, tout au plus intrigué.
‑ Comment l’as‑tu trouvé ? lui demandais‑je sans me gêner, à ton goût ?
‑ Jamais vu un type plus baisable, fit‑elle avec simplicité.
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