Orphée 2001 - Margelle

— mais allez donc lui expliquer que vous avez recréé le monde et même
l’Univers il y a peu, en tirant un coup prodigieux, et que vous souffrez de
séquelles d’instabilité de substitution des énergies primordiales hein ? —
j’en conclus donc que les deux bombes, uranium et plutonium n’avaient
pas encore été lâchées sur Hiroshima et Nagasaki. Même ce con le saurait
et… cette guerre serait finie.
‑ Bien fit le May, Iwo Jima c’est vingt kilomètres carrés. Lâchez votre
œuf juste au centre et on fera le reste. Ça va être éclairant pour les citrons
et même pour nous !
Suite à sa réplique les deux mastards à mes côtés se tordirent de rire puis
me hissèrent avec ensemble dans le siège baquet d’une antique ferraille
puant l’huile chaude et l’essence. J’eus le temps d’identifier un Curtiss
Helldiver dernière mouture, le SB 2C si ma mémoire est bonne, une dou‑
zaine de ces saloperies se tenaient derrière moi sur le pont d’envol, l’air
mauvais, ailes repliées. J’entraperçus mon mitrailleur et bombardier en
place arrière, il me fit un geste de la main, aucune idée de qui pouvait être
ce mec, il avait des épaules un peu frêles par contraste avec tous ces phal‑
lus à pattes environnants. Il se passa alors deux choses. Le monde passa en
niveaux de gris, en noir et blanc si vous préférez et l’appareil, cales reti‑
rées, se mit à rouleur sur la piste d’envol. J’eus le temps de voir Le May
agiter frénétiquement la main pour que j’enfonce la commande des gazs.
Je me méfie des avions surmotorisés de cette période, avec les 1 650 che‑
vaux d’un Mustang par exemple il est très facile, en donnant la puissance
d’un coup, de se retourner sur la piste en une mortelle cabriole. Il ne s’agit
plus d’avions mais de moteurs volants avec un trou pour pilote, quelque
part par‑dessus. Ces connards n’avaient pas encore inventé la catapulte, en
un éclair je revis les appontages catastrophiques de cette période à j’étais
mal ! Dans le dixième de seconde suivant une autre considération me fit
donner les gazs à fond, ce n’était rien d’original, le simple rétrécissement
de la piste d’envol et la perspective d’un amerrissage « baquet » dont on
ne s’extirpe pas souvent. La grosse bête grogna, j’avais le pied droit suffi‑
samment au plancher pour percer la cloison pare‑feu. Je reçus une bonne
tape dans le cul et la fin du pont d’envol se présenta en quelques instants.
Vous auriez fait quoi vous ? Arrêter la séquence et expliquer patiemment
aux Ricains que j’étais une erreur ? C’est exactement ce que j’ai fait.
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