Orphée 2001 - Margelle

anches, formant en quelques minutes ce que les métérologues appellent
un « unicum », un cas inexplicable, que l’on détecte sans préavis. Si ces
savants avaient eu l’idée d’intégrer un département de théologie à leurs
centres de calculs ils eussent peut‑être, un jour, reconnu la signature des
Dieux. À défaut de prévoir le moment de l’apposition. Cette masse colé‑
rique fut détectée par les divers weather radars américains mais, contrai‑
rement à la majorité des cas, il ne fut diffusé aucun avis de tempête ou de
twister. Les charges électriques et les directions des vents étaient chao‑
tiques. L’étrange tempête s’approcha de sa cible, se transposant d’un lieu
à un autre. Si l’on avait pu tracer exactement son parcours au sol on aurait
peut‑être trouvé un message, ou même un visage, celui de la Destructrice
des mondes.
La foudre — sa voix est incroyablement sèche quand elle est proche —
tomba sur le bâtiment. Je fus projeté à terre, certaines lumières durèrent,
d’autres plus nombreuses furent soufflées. Il devait y avoir une trombe
au dehors, une partie de la toiture préfabriquée s’était envolée dans un
froissement nerveux. M’accrochant aux bancs, aux conduites, à tout ce
qui donnait l’impression de vouloir résister aux rafales s’engouffrant dans
le théâtre de Tsorne, je parvins à la porte du local. La peur qu’inspire une
tempête est préalablement écrite en soi. Je n’avais rien à perdre, je sortis
pour me mêler à elle. Tout d’abord je ne vis rien, que des noirceurs en
mouvement. Pas loin de moi un bimoteur, dans un envol d’agonie, s’écra‑
sa sur un hangar. Des choses volaient, des mots aussi. Mais je ne pouvais
rien en retenir. Était‑ce la grande colère d’un cumulo‑nimbus ou un twister
aux dimensions inconnues, je l’ignore. Une volonté extérieure me fit lever
la tête, comme si je me trouvais à la base d’une gigantesque construction.
Je me retrouvai seul, dans la démence, face à une colonne grondante qui
se tordait lentement sur elle‑même. Sa base me parut être au sud des ins‑
tallations, du côté d’Austin, au croisement des deux pistes principales. Ça
n’était qu’à un kilomètre ou moins. Je notai que la clameur de la tempête
se fondait progressivement en une seule note grave, le mix d’un son très
grave avec du bruit agité, une basse dont le « aahh » provenait des voix de
tous les morts emportés dans son courant. Les vents furieux dirent encore
quelque chose et le voile de la trombe se défit lentement. En son centre je
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