Orphée 2001 - Margelle

terre. Pas une ride, pas un regret, ça m’est monté à l’âme, j’ai entendu
une musique aussi insistante que le fameux adagio de Malher, celui qui
ressemble à une très lente arborescence. Sans m’en rendre compte, j’étais
prêt à partir. Mais, alors que mon esprit se préparait à franchir ce seuil
paisible, Elle me ramena vers la vie. Tous ces regrets tournant dans l’air
du soir, tous ces passages vers la mélancolie, je les retrouvais à nouveau
dans cette beauté dont il faut se méfier, cette Toscane‑là.
J’aimerais vous en parler un peu plus, mais j’hésite, je ne suis pas un
poète de la terre. J’ai acquis, me semble‑t‑il, plus d’amarinage, de voca‑
bulaire de mer, d’îles, de plongée, de côtes venteuses ou de transparences
caribéennes que de bibliothèques propres à parler de la beauté si féminine
de ce genre de terres. La même chose avec l’air, depuis le temps que je
pilote des avions, j’ai une petite idée des paysages et de leurs fleuves vus
de haut, des côtes, des brumes venues de la mer, des cimes montagneuses
et même des nuages que l’on traverse, surf extrême quelquefois quand
l’altitude choisie vous fait glisser au sommet de ces neiges célestes et
slalomer entre des tours fabuleuses. Je sais même les colères du ciel, la
formation des enclumes sur les Cb, l’horizon qui devient noir et les vents
qui se mettent à tourner, ces visions de l’amen qu’ont les pilotes. Devant
la terre, j’hésite, je me sens pauvre en mots, je ne puis que l’aimer.
J’en étais là de cette contemplation harmonieuse, de cette paix qui me
gagnait petit à petit, quand les niveaux de gris des collines me prirent.
Et m’emmenèrent au chapitre qui suit.
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