Orphée 2001 - Margelle

Ruines romaines…
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Chute
Pour la seconde fois, je me retrouvai à Rome. Avec l’excès de pré‑
cautions que vous savez, pas d’Air France, pas de réservations dans un
palace connu. Seul, anonymus, en garde. À tel point que j’avais choisi
une approche peu courante de la grande place et de ses colonnades. La
libellule que Dante Alighieri m’avait, sur un simple coup de téléphone,
fait mettre à disposition.
L’oiseau noir et silencieux s’arrêta à une cinquantaine de mètres du sol,
dans l’axe de la basilique. Je voyais parfaitement la courbe du Tibre devant
moi, se perdant vers le Nord, me sembla‑t‑il. Saint‑Pierre est une église
paradoxale : elle ne respecte pas cette tradition qui veut que les églises
chrétiennes regardent à l’est, vers les lieux saints, elle est orientée plein
ouest. Il y avait un pont, à la hauteur de Sant' Angelo, le vieux château
rond, surmonté d’un assemblage presque désordonné de maisons carrées.
Je distinguai une terrasse avec une piscine, mais je devais me tromper. Et
à une centaine de mètres commençait la grande avenue taillée par le Duce.
Mussolini avait tenu à faire construire, dans son style pompier, cette voie
monumentale qui mène à Saint‑Pierre de Rome. Avant lui, la plus grande
église du monde ne se découvrait qu’au terme d’un labyrinthe et de tor‑
tueuses enfilades de petites maisons basses et modestes. Je n’ai pas connu
ça personnellement, c’est Zanzelo qui m’en a dit deux mots et j’aurais
préféré cette approche du caché. Des édifices plus modernes avaient pris
la place des vieilles masures de charme, le tout menait à la grande arène
des nouveaux jeux de la chrétienté.
Je gravai ce paysage dans mon esprit, c’était de la beauté concentrée.
Sur un signe de ma part, le pilote se posa peu après le premier pont
et je descendis vivement de l’appareil qui déjà reprenait de la hauteur
pour regagner sa base. J’observai les alentours : tout paraissait désert.
Étrangement désert. Je m’avançais prudemment vers la demeure de Pierre.