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Orphée 2001 - Margelle

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hallucinogène, et quel art !<br />

Je quittai Porto Venere et empruntai la A12 (avec la ferme intention<br />

de la restituer au connard qui l’avait laissée en si mauvais état) pour me<br />

rendre à Pise. J’y connaissais Karlus, le « Hollandais volant », on peut le<br />

dire, c’était un vieux mec, le teint rouge brique et perruque blanche, qui<br />

sévissait dans l’immobilier du coin, dépouillant les gens du Nord trop<br />

naïfs en vendant plusieurs fois les mêmes terres et les mêmes vieilles<br />

demeures toscanes. Il avait essayé de me faire le coup. Je passai le voir, il<br />

pourrait peut‑être m’apprendre quelque chose d’utile. Je devrais patienter,<br />

la musique était en moi, mais toujours pianissimo.<br />

On fila revisiter Pierre Sainte, c’était le nom de cette vieille demeure,<br />

installée dans l’une de ces émouvantes cuvettes toscanes, bordée de quatre<br />

collines douces, avec les habituels défilés de cyprès et de pins maritimes.<br />

Les rondeurs de cet environnement donnaient l’impression d’habiter entre<br />

deux douces et célestes paires de fesses, c’est vrai. Ce que j’appelle sou‑<br />

vent de bellefalaises !<br />

Plus j’avançais dans cette terre, plus me venait la certitude qu’elle avait<br />

quelque chose à voir avec la femme à la poursuite de laquelle j’étais lancé.<br />

Cette terre rouge devait participer de cette future chevelure d’or roux.<br />

Qui avait‑elle été dans ce pays de Toscane ? La compagne du véritable<br />

Dante ? Avait‑elle été Béatrice ou celle qui inspire l’enfer ? La différence<br />

ne m’était pas évidente.<br />

On a dit de cette région qu’elle avait inspiré tant d’amours qu’il ne<br />

devrait en rester qu’une terre brûlée par les passions qu’elle a suscitées.<br />

Une jolie phrase, mais elle est fausse. Si vous cherchez un pays où l’infini,<br />

à perte de cœur, s’écrit en subtile succession de collines douces, allez en<br />

Toscane. Dans la vieille demeure de Karlus, je me suis mis en état alpha,<br />

rien qu’en contemplant les courbes de ce paysage et leur manière de mourir<br />

en niveaux de gris, quand vient le soir. Ça m’a rappelé ce soir, avec Elle,<br />

quand j’avais, au bord du lac de Côme, vu ma mort exprimée par l’infinie<br />

succession de ces mêmes gris, un peu bleutés, dégradés aux pentes d’une<br />

impossible douceur. Les contreforts des montagnes tombaient dans le lac,<br />

le soleil était à l’horizon, une brume bleutée montait et créait cet appel,<br />

ce miroir lent que formèrent les eaux, il y avait fusion de l’eau, avec la<br />

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