Orphée 2001 - Margelle

Entre vous et moi c’était bien ça, me torturer l’eût excitée au plus haut
point. Je maudis cette Barbare de mes deux, elle m’entendrait celle‑là.
Je calculai mes chances de sortir de là sans sa permission. Elles étaient
nulles. J’acquiesçai d’un signe de tête et nous reprîmes le petit ascenseur.
Il y avait un second sous‑sol dans le repaire de Tsorne.
À vrai dire, ce n’était plus chez AllGen, c’était chez Tsorne, dans son
vrai moi. En Enfer.
C’était bien une Toscane, elle avait les goûts de vieux poète, elle avait
fait reconstituer les images de Doré d’une manière totalement surréaliste.
Avec de petits inserts de modernité, grilles électrifiées, menottes magné‑
tiques, éclairages télécommandés et circuits vidéo.
Je vis quelque chose que je n’aurais jamais cru revoir, depuis Central
Park. Un homme dont la partie gauche était végétale, faite de branches
sèches et d’un tronc qui le rivait au sol de sa cellule. Il contempla Tsorne
avec une totale terreur. Elle cassa négligemment l’une de ses branches.
‑ Oriane n’est pas la seule à pouvoir le faire, commenta‑t‑elle.
Avec horreur et compassion, je contemplai les damnés et lui demandai
ce qu’ils avaient fait pour mériter pareil sort.
‑ Ils en savaient trop, dit‑elle d’une voix indifférente. Ici ils m’amusent
et quelquefois me donnent du plaisir. Au prix de leur vie, quand ils ont de
la chance.
Elle me guida vers une cage particulière où se tenaient deux hommes
silencieux. Je fus totalement stupéfait de reconnaître l’un d’entre eux à
c’était ce Matias(0) dont m’avait parlé Oriane. Cet homme avait été mon
voisin au fameux défilé d’Anthelme, à Paris. Puis Oriane lui avait fait don
de la plus douce des morts. Décidément, ce type — ce génie, si je me sou‑
viens bien de ce qui s’était dit à son sujet — devrait plus se méfier du beau
sexe. Mais comment était‑il revenu du royaume des morts ? Et pourquoi
là ? Tsorne me l’expliqua.
‑ Je vois que tu le connais. C’est le frère de Juan, l’homme qui m’a si
gracieusement offert les techniques qu’utilise AllGen.
Juan, sincèrement, aurait dû s’appeler Merlin et Tsorne Viviane. C’est
une vieille histoire et vous la connaissez. Une femme, par le sexe, s’appro‑
prie les pouvoirs d’un homme. Je me dis qu’il était grand temps de fonder
un mouvement « masculiniste » et de stopper toutes les saloperies du style
113