Orphée 2001 - Margelle

Mais ça n’a pas marché et la séquence s’est poursuivie. Vous verrez une
fois dans votre vie à quel point on est capable de penser vite quand il le
faut. Le Saint Lô était un porte‑avions léger de la classe Independance,
avec environ 180 mètres de piste moins les collègues massés à l’arrière.
Il pouvait donner facilement de vingt‑cinq à trente nœuds et le vent de
mer, avec un peu de chance m’en rendrait 15. J’avais donc environ 150
mètres pour gagner cinquante nœuds de mieux et affronter un à pic de
quinze mètres. Ça peut vous paraître très technique mais quand on s’y
trouve c’est éloquent. Les deux mille chevaux m’arrachèrent du pont et je
ressentis avec horreur l’enfoncement caractéristique d’une machine trop
lente, l’avion retrouvant son milieu naturel à l’air. Mes orteils se compor‑
tèrent très correctement, ils s’enroulèrent en éventail dans mes pompes,
quant à moi je m’agrippai au manche. C’est contre toutes les règles, dans
les situations de décrochage on doit rendre du manche pour reprendre du
badin. Seulement voilà à les porte avions de cette période n’étaient pas
aussi grands que leurs lointains descendants et, en trois secondes, j’arrivai
au raz des vagues.
Où le Helldiver, tout bien pesé et considéré, décida de ne pas jouer les
plongeurs d’enfer et se mit à voler un peu mollement au raz des vagues,
puis plus alertement.
Je me suis dit que l’enfer serait pour plus tard. Je n’avais pas tout à fait
tort.
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