29.06.2013 Views

Orphée 2001 - Margelle

Orphée 2001 - Margelle

Orphée 2001 - Margelle

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

du monde, des couleurs et des gens en société, elle savait jouer de moi, la<br />

musicienne ! Comment ne l’avais‑je pas compris de suite ?<br />

‑ Seigneur Dieu, dis‑je, quand Vous reviendrez, accordez‑moi la grâce<br />

d’une réalité simple et quotidienne avec elle. J’ai beaucoup déconné avec<br />

les femmes et aucune ne m’a foudroyé, elles ont peut‑être eu tort, main‑<br />

tenant je me rends, je me rends, je me rends ! J’avance dans de vieilles<br />

ruines bordées de hautes flammes et l’une d’entre elles m’attend à l’hori‑<br />

zon‑ ; je vous supplie de m’accorder une vie simple avec elle, loin de tout.<br />

Voyez les pouvoirs que vous lui avez donnés : il suffit qu’elle m’appelle<br />

de la salle de bains en demandant une serviette pour que j’entre en état de<br />

poésie. En avez‑vous fait beaucoup « des comme elle » ?<br />

Mais Dieu n’était plus là. Mes prières, rien de plus qu’un soliloque dans<br />

le noir tenace de son absence. Je relus par hasard Ondine, tout était juste,<br />

J.G. (quelles bonnes initiales !) avait opéré les mêmes constats. En vérité,<br />

nous n’avions pu nous connaître longtemps, nous n’avions vécu qu’un<br />

long début, mais quelque chose me disait qu’avec elle la poésie des débuts<br />

serait éternelle. À vue d’homme, en tous les cas. Il me fallait trouver une<br />

seconde chance dans cette bibliothèque, et si elle n’existait pas, je l’écri‑<br />

rais. Je n’avais jamais connu de femme au parfum de terre mouillée en<br />

été. Aucune autre ne m’avait permis d’entrevoir son immense fragilité,<br />

aucune ne m’avait enseigné le monde souterrain de la grande racine qui<br />

les unit toutes. À l’envers, j’étais argile, elle étincelle, un cygne qui res‑<br />

semble à mes eaux les plus profondes. Peut‑être irions‑nous nous marier<br />

à l’église ? Elle imaginait d’autres cérémonies. La vie, quand l’envie lui<br />

en prenait, n’était qu’un long rituel sur tous les modes de son imaginaire.<br />

Elle choisissait quelquefois un thème, la couleur bleue par exemple, et<br />

nous nous accordions. Nous trouvions la voiture et les vêtements adé‑<br />

quats, on écoutait la Rhapsodie de Gershwin, je voyais apparaître — chose<br />

rarissime — une aigue‑marine de taille impressionnante, sur une monture<br />

de quatre sous, le tout pendu à un petit cuir, sur la naissance de sa gorge.<br />

J’improvisais quelque chose en sol bémol majeur, elle préparait un Blue<br />

Flame, un cocktail pas un bolide, et ainsi de suite. Je n’étais pas vraiment<br />

habitué à tant de créativité fantaisie chez une femme, mais je suivais<br />

avec ravissement. Josefina était une amazone de sexe, Oriane une pure<br />

jeune fille dont l’imaginaire dépassait celui du divin marquis. Elle n’avait<br />

48

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!