Orphée 2001 - Margelle

‑ Vous n’avez pas tué Hitler ! lui dis‑je soudain avec brutalité.
‑ Mais il n’a pas disposé de l’arme nucléaire, répondit‑elle sur le même
ton.
Je voulus continuer mais elle posa sa main sur mes lèvres à « Il y a une
condition que tu remplis mais que tu n’arrives pas à saisir. Je te la dis.
Nous sommes trop peu nombreux pour avoir de l’influence sur ce monde.
Il est devenu trop multiple et trop chaotique. Je crois que c’est une donnée
de Genesis. Les disciples de Fahwaz et, au‑delà de lui d’Hassan, se sont
toujours consacrés aux problèmes d’un petit nombre. Une élite. En vérité
nous sommes intervenues auprès de ceux qui disposent de deux facultés
rares à voir l’énergie et l’actionner. Ces gens‑là font le monde. Castaneda
en parle un peu sottement mais heureusement personne ne le croit. Et toi,
tu en fais partie. »
Je me demandais pourquoi… Elle me renseigna.
‑ À cause de ton satané caractère d’enfant. Tu vois encore les choses
comme au début de ta vie, tu devrais être un poète.
‑ J’ai écrit quelques textes, m’empressai‑je d’ajouter, je ne perdais jamais
une occasion de me vanter des quelques bouquins que j’avais écrits.
Elle m’ignora « Ou un assassin, comme moi ! »
Je fis taire mes revendications de romancier, je savais bien qu’elle était
ma meilleure lectrice. Mais j’avais peine à imaginer en assassin, sans
compter que j’avais encore quelques scènes à lui faire.
‑ Je vois, ajoutai‑je pour changer de sujet, que chaque fois que tu satis‑
fais tes appétits lesbiens, je me retrouve ficelé sur un instrument de torture
ou en croix ! Cette tendance sadique est‑elle ton unique possibilité de
réaliser un triel ?
Son pied vint effleurer mes lèvres, j’avais tout intérêt à me gaffer.
‑ Peut‑être bien, Jacques. Avec Josefina en tous les cas c’était délicieux,
mais dans le cas de Tsorne tu te trompes. C’était l’unique passage possible
pour travailler ses énergies. Je t’avais mis un blocage, l’aurais‑tu oublié ?
‑ Pas vraiment, fis‑je, j’avais simplement cru que je n’étais pas compa‑
tible avec le diable.
‑ On ne sait jamais, pour souper avec lui mieux vaut avoir une longue
cuillère. Pour ce qui est du triel je te donnerai de mes nouvelles quand
Josefina reviendra.
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