Orphée 2001 - Margelle

Qu’est-ce que t’as aux mains ?
Les délires sont comme les culs, les actions des dot.com et les parois
célèbres, il faut se les faire. Mais il faut aussi savoir redescendre à temps
de ces sommets. Tout le monde n’a pas un parapente ni le bel à pic vertical
que, parfois, les dames de cœurs, à la florentine, offrent à leurs amants.
J’ai dû me secouer comme un prunier mais j’y suis parvenu. Ah ! Si j’avais
pu noter tout ça, tout cet imaginaire qui se boscule — c’est un verbe de
ma mama italienne — au portillon, quels chapitres j’aurais écrit ! Peut‑être
même tout un bouquin, allez savoir ! Bref, je dégravis les escarpes et les
contre escarpes de mes extases, la propriétaire du miracle avait disparu
dans un petit immeuble sympa, pas loin de la Seine. Je notai l’adresse, pris
un taxi et filai rue Lauriston, non sans m’attarder un instant à l’emplace‑
ment des Yeux Fertiles, cette merveilleuse boutique, disparue je ne sais
quand et où j’avais rencontré le grand Sadoul lui‑même.
Je déboulai dans le pigeonnier d’Oriane, un peu culpabilisé car, en
contrepoint, comme tous les mecs, je n’avais cessé de penser à elle.
‑ Alors, fit‑elle, l’air candide en m’ouvrant la porte, comment était cette
traversée de Paris ? Pire que l’homme de Rio ?
‑ M’en cause pas, fis‑je, j’ai vu l’Infini.
‑ Dieu ?
‑ Pas cette fois, mais assurément quelque chose qu’il nous envoie. La
Danseuse Cosmique qui sait ?
‑ À quoi ressemble‑t‑elle ?
‑ À l’un de ses Desseins animés.
‑ Bien dit, mais encore Le Coq ?
‑ Pas grand‑chose. J’ai discouru sous la Coupole.
‑ Un pressant besoin de fruits de mer ?
‑ Pas celle là, celle de l’Institut. L’Académie ne fait pas vraiment partie
de mes fantasmes aussi suis‑je passé par l’entrée de service.
‑ Et ces langoustes ? Me diras‑tu quel rôle elles jouent dans notre his‑
345