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Orphée 2001 - Margelle

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atrocement de lui. Entre une vie courte et brillante ou longue et terne.<br />

J’entendais vaguement le vent se lever au dehors, le temps se gâtait mais<br />

j’étais parvenu au centre d’une si profonde méditation qu’il eut fallu que<br />

le tonnerre tombe à mes pieds pour me réveiller. La Mort et l’Amour se<br />

plaisent, ils vont de pair. La grande malédiction c’est d’avoir quelqu’un<br />

à aimer. C’est de ne pas être seul. C’était la troisième fois que je croyais<br />

perdre Oriane, mais cette fois il n’y aurait pas de retour. Je l’avais vu brû‑<br />

lée vive par l’énergie de son propre fils. Et je ne la sentais plus en moi.<br />

Tsorne était le diable. Ma seule consolation était de l’avoir réduite à néant.<br />

La vie me devint soudain une perspective étrange. Je voyais simultané‑<br />

ment ses étapes et tout prenait une importance égale, rien n’avait plus de<br />

sens plus important que ce que nous avions classé dans le domaine des<br />

petites choses. Je comprenais mon rôle dans le monde et celui des autres<br />

ne m’émouvait plus, ne me dérangeait plus. C’est ainsi qu’un jour, dans<br />

une vie précédente, j’avais survécu au Mexique. Le monde s’était défait<br />

et j’étais allé vivre quelques années dans la chambre haute. Pour un obser‑<br />

vateur extérieur j’avais simplement jeté ma veste sur mon épaule et j’étais<br />

parti, quelque part dans le soleil mexicain, faire ce que j’avais à faire.<br />

Deuil et justice. Mais cette fois justice était faite, il allait me manquer cette<br />

terrible motivation. Il fallait que le ciel se déchire, que je change de réalité.<br />

Il fallait une très grande colère. Elle vint.<br />

Les vents, les vents vous savez sont porteurs de beaucoup d’effrois, de<br />

colères qui nous dépassent. Ils m’ont souvent porté sur les vagues faisant<br />

claquer ma planche, mistral, tramontane ou autan‑ ; ils m’ont effrayé,<br />

dans la grande maison vide de Perros Guirec, ou sur mer quand je me<br />

trouvai proche de ce bouillonnement d’écume annonçant la naissance<br />

d’une trombe ou hurlant sans répit dans les nuits d’altitude de décembre.<br />

Je les ai rencontrés en Iran, au sommet d’un col descendant vers la mer, ils<br />

retenaient leur force, juste assez véhéments pour me tenir penché comme<br />

une voile. Je les ai vus descendre des montagnes en compagnie de nos<br />

morts, je les ai vus s’affronter, créant par leur cisaillement d’horribles<br />

entités tournoyantes, telles celles de Tornado Alley. Les vents comme<br />

l’esprit soufflent où ils veulent, ils ne connaissent aucun maître. Ce jour‑<br />

là, ils naquirent spontanément au nord d’Austin, tournoyants, emmenant<br />

avec eux d’incroyables quantités de chaleur, de terre et de poussière, des<br />

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