Orphée 2001 - Margelle

hélice quadripale avait touché la bombe volante et le Curtiss fut pris d’un
tremblement apocalyptique. J’eus le réflexe de couper le moteur et on
resta à peu près entiers, dans un tombeau silencieux, enveloppé du gra‑
cieux bruissement de l’air marin, volant à 450 km/h au ras d’une superbe
plage de sable fin, qui avait retrouvé ses couleurs.
Probablement parce que j’avais perdu les miennes.
‑ Ha !
(C’est un bon commentaire vous ne trouvez pas ?)
‑ Et maintenant, chantonna NORA.
‑ Et maintenant ? Ça n’est pas exactement le moment de chanter du
Bécaud, connarde. Tu veux savoir ce que je vais faire ? Planer un coup et
poser ce tas de ferraille, on est très entraînés à affronter ce genre de situa‑
tion, tu devrais t’en douter.
‑ Montre toujours, fit la contestataire. Mais… n’as‑tu rien remarqué ?
‑ Boff, non.
‑ Ils ont tous chaussé des lunettes de soleil sur le pont du Saint Lô quand
ils ont compris que tu t’apprêtais à amerrir.
‑ Ah bon ? — Ces Ricains avaient souvent les yeux bleus. C’est délicat
les yeux bleus.
Tout ça n’avait pas duré plus qu’un soupir de vierge effarouchée — son
que je n’en ai jamais entendu — et je m’activai à convertir notre éner‑
gie cinétique en son équivalent potentiel. Je tirai le manche à fond et le
Helldiver se cabra comme un pur‑sang, la vitesse se dissipant au fur et à
mesure que l’altitude augmentait. Je me trouvai en un clin d’œil à 5’500
pieds avec un avion sloppy n' floppy, volant dans du chewing‑gum et j’en‑
trepris de le faire redescendre par étapes vers la plage, le plus lentement
possible. Non sans me préparer à lâcher mes bombes dans la mer, pas trop
loin du St Lô, histoire de faire chier Le May. Histoire également de ne pas
me déguiser en hamburger à l’amerrissage, comme mon estimé collègue
japonais dans son Okha. Soudain je saisis ce que NORA tentait de m’ex‑
pliquer. Bordellamare !
‑ NORA ! Ils n’auraient pas osé faire ça ?
‑ Vont se gêner ! fit le plus brillant bouton de culotte de toute l’histoire
de l’informatique.
‑ Tu en es sûre ?
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