Orphée 2001 - Margelle

Les garces ! Péter dans un Stradiavarius eut été plus utile que de pour‑
suivre cette conversation. Ivre de rage je serrai les dents et amorçai la
descente du Helldiver. Avec ses quinze mètres d’envergure c’était une
belle plume et je devais pouvoir nous tirer, La Clef, NORA, mon copi et
moi de cette histoire de piqués.
Par chance mes flaps acceptèrent de participer à cette petite expérience,
et après avoir tracé deux cercles en direction du large je me présentai à
la verticale de la plage, en perdant environ 800 pieds par minute. C’était
suffisant pour se casser les reins mais j’avais l’intention de dissiper ma
vitesse à une dizaine de mètres de la bordure sablonneuse, par un fond
d’environ un mètre, ces plages sont en pente douce, la transparence tur‑
quoise me l’indiquait clairement, le monde avait repris des couleurs…
L’essentiel était à mes yeux de ne pas décrocher trop haut sur l’eau, his‑
toire de ne pas aller donner à becqueter aux crabes de l’endroit.
Ce fut un peu moins facile que je ne l’avais imaginé, en raison essen‑
tiellement des commentaires de NORA qui, folle de joie, semait de par
son futile babil une merde pas possible. Ce qui ne m’empêcha nullement,
durant cinq planantes minutes, tenant le manche délicatement avec deux
doigts, de savourer l’indicible beauté de l’endroit. Le May tenta désespé‑
rément de me parler sur la fréquence 121.5 mais je lui adressai ce salut
assez révolutionnaire — et très correct — de la main avec cinq doigts
réunis. Qui signifie « lis entre les lignes ». Un truc de musicien…
Finalement deux immenses gerbes d’écume de mer et une tape violente
dans la poitrine me donnèrent raison, j’avais touché aux alentours de 110
kilomètres heures — un petit vent traversier m’avait bien aidé — et on
avait freiné sur à peine quinze mètres. J’avais eu le temps de voir deux
choses du haut des airs.
Sensible à l’infrarouge, j’avais détecté l’existence, sur l’île, d’un vaste
réseau de taupinières reliées par des souterrains plus ou moins camouflés.
Toute l’armée Jap s’était retranchée là, Le May et ses hommes allaient
souffrir. Mais je pourrais les mettre en garde. Bien qu’ils ne le méritent
pas ces enfoirés.
L’autre, en me retournant, était une furieuse crinière d’or blond roux qui
sortait de l’habitacle de mon coéquipier.
Oriane ! Qu’est‑ce qu’elle foutait dans mon rêve ?