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Guide des valeurs pour la vie en démocratie - Council of Europe

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La notion de « patrimoine » culturel soulève <strong>la</strong> question de sa propriété effective. On affirme<br />

souv<strong>en</strong>t que les grands monum<strong>en</strong>ts culturels n’apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas seulem<strong>en</strong>t au pays où ils se<br />

trouv<strong>en</strong>t ou à <strong>la</strong> civilisation qu’ils représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t, mais à tout le monde. Ces dernières années, de<br />

nombreux sites ont été c<strong>la</strong>ssés Patrimoine mondial. De nombreuses villes ont une histoire et<br />

une id<strong>en</strong>tité mê<strong>la</strong>nt différ<strong>en</strong>tes religions et cultures. L’un <strong>des</strong> grands dangers, <strong>en</strong>core aggravé<br />

par les guerres, surtout les guerres civiles et ethniques, réside dans «l’ethnicisation » du<br />

patrimoine culturel, considéré comme représ<strong>en</strong>tatif d’une ethnie à l’exclusion <strong>des</strong> autres.<br />

Un aspect du débat concerne le juste équilibre <strong>en</strong>tre <strong>la</strong> nécessité de préserver le passé et le<br />

besoin de modernité, ainsi que de progrès économique. Liverpool, désignée Capitale<br />

europé<strong>en</strong>ne de <strong>la</strong> culture 2008, a connu une vive polémique sur le thème de <strong>la</strong> protection du<br />

passé, jugé excessif par certains et considéré comme un frein au r<strong>en</strong>ouveau de <strong>la</strong> ville au<br />

détrim<strong>en</strong>t de son av<strong>en</strong>ir. Dans toute l’<strong>Europe</strong>, il y a <strong>des</strong> débats de ce type à chaque fois que <strong>la</strong><br />

protection de bâtim<strong>en</strong>ts historiques <strong>en</strong>tre <strong>en</strong> conflit avec les besoins de construction de<br />

nouvelles routes, de supermarchés ou de tours.<br />

Un autre aspect concerne le devoir de respect <strong>des</strong> autres cultures. La plupart <strong>des</strong> g<strong>en</strong>s sont<br />

d’accord <strong>pour</strong> reconnaître que les monum<strong>en</strong>ts d’autres cultures et religions doiv<strong>en</strong>t être traités<br />

avec soin et respect, même quand ceux qui les ont créés et leurs croyances ont disparu. Il n’y<br />

a plus de Romains dans <strong>la</strong> ville grecque de Thessalonique, mais les nombreux sites<br />

archéologiques romains sont <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>us avec soin et fierté. Il est possible qu’un jour, le<br />

patrimoine architectural de l’époque de <strong>la</strong> domination ottomane soit traité de <strong>la</strong> même façon.<br />

Dans les Balkans, après les guerres <strong>des</strong> années 90, il y a un risque de nouvelle «épuration<br />

ethnique », cette fois-ci du patrimoine culturel.<br />

Enfin, au p<strong>la</strong>n philosophique, le débat concerne <strong>la</strong> valeur qu’il con<strong>vie</strong>nt d’attribuer aux<br />

monum<strong>en</strong>ts culturels, par comparaison à <strong>la</strong> <strong>vie</strong> humaine. On peut dire par exemple que les<br />

terribles <strong>des</strong>tructions d’Hiroshima et de Nagasaki ont forcé le Japon impérial à une reddition<br />

qui, autrem<strong>en</strong>t, aurait été retardée de nombreux mois, durant lesquels <strong>des</strong> millions de<br />

personnes serai<strong>en</strong>t mortes. On dit souv<strong>en</strong>t que les bâtim<strong>en</strong>ts peuv<strong>en</strong>t être réparés et<br />

reconstruits mais pas les <strong>vie</strong>s humaines. Pourtant, <strong>la</strong> <strong>des</strong>truction de monum<strong>en</strong>ts culturels<br />

provoque un pr<strong>of</strong>ond s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de deuil et d’indignation.<br />

Après <strong>la</strong> <strong>des</strong>truction du Pont de Mostar <strong>en</strong> 1993, un journaliste croate essaya d’expliquer ce<br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de deuil. Il écrivit :<br />

«Pourquoi ress<strong>en</strong>tons nous une plus grande peine à <strong>la</strong> vue <strong>des</strong> images du Pont détruit qu’à <strong>la</strong><br />

vue de personnes ? C’est peut-être parce que les colonnes du Pont nous r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t plus à notre<br />

propre mortalité que <strong>la</strong> mort <strong>des</strong> g<strong>en</strong>s. Nous nous att<strong>en</strong>dons à ce que les g<strong>en</strong>s meur<strong>en</strong>t. Nous<br />

nous att<strong>en</strong>dons nous mêmes à mourir. Mais <strong>la</strong> <strong>des</strong>truction de monum<strong>en</strong>ts, c’est autre chose.<br />

Dans sa beauté, le <strong>vie</strong>ux Pont de Mostar était fait <strong>pour</strong> nous survivre. Il transc<strong>en</strong>dait nos<br />

<strong>des</strong>tinées individuelles. La mort d’un homme, c’est <strong>la</strong> disparition de l’un d’<strong>en</strong>tre nous, <strong>la</strong> mort<br />

du Pont c’est notre disparition à tous, <strong>pour</strong> toujours. »<br />

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