Guide des valeurs pour la vie en démocratie - Council of Europe

Sur quoi se base cette allégeance ? Jusqu’à une époque récente, les citoyens d’un même Etat
étaient généralement unis par leur nationalité, une histoire et des traditions culturelles
communes. Ce n’est par hasard que le développement de la conception moderne de la
citoyenneté –qui privilégie les droits et les obligations – a parallèlement vu émerger le
nationalisme et lecontrôle démocratique populaire (l’idée selon laquelle c’est la volonté du
peuple qui confère sa légitimité au gouvernement, plutôt que Dieu, ou la force coercitive du
régime). A l’époque moderne, «le peuple » est souvent synonyme de nation , même si parfois,
il a été employé pour décrire des personnes dont la religion ou l’ethnicité a transcendé les
frontières nationales. Le mot «panarabisme », par exemple, a été créé en réaction contre
l’imposition de frontières nationales par les forces coloniales au XIX e siècle et au début du
XX e .
Il est évident que si la citoyenneté est liée à l’identité et à l’héritage culturel de cette manière,
certains individus seront inclus et d’autres en seront exclus. Est-ce inévitable ou est-il possible
d’envisager une citoyenneté plus inclusive, plus universaliste ?
C’est ce que propose l’idée de citoyenneté européenne. La première question qui se pose est :
le peuple peut-il avoir un sentiment d’appartenance et d’identification à quelque chose de plus
large que l’Etat-nation ? L’idée d’une sorte d’Europe unie a plus de quatre-vingts ans. En
1923, le comte de Coudenhove-Kalergi a le premier exposé un projet de fédération
paneuropéenne dans un essai, Pan-Europe . Six ans plus tard en France, le socialiste Aristide
Briand lançait l’idée d’une union fédérale européenne. Bien que les idées des deux hommes
aient rencontré un certain succès en leur temps, le krach de Wall Street en 1929, la crise
économique et les événements politiques et internationaux qui s’ensuivirent dans les années
1930 (et qui ont conduit à la guerre), ont rapidement coupé court à toute réflexion poussée sur
le sujet.
Juste après la Seconde Guerre mondiale, dans un discours prononcé à Zurich, Winston
Churchill appelait à constituer les «États-Unis d’Europe », exprimant là une idée qui avait
grandi dans l’Europe dévastée par la guerre; en 1949, le Conseil de l’Europe, composé de
onze Etats membres, voyait le jour à Strasbourg. Un an plus tard, la Convention européenne
des Droits de l’homme était adoptée et le Conseil de l’Europe mettait en œuvre les moyens de
protéger ces droits, comme la Commission européenne des Droits de l’homme (1954) et la
Cour européenne des Droits de l’homme (1959). Si ces avancées n’ont pas créé un niveau de
citoyenneté fédéral, ni une sorte d’allégeance transnationale, elles ont créé la possibilité de
saisir la Cour européenne pour les Européens qui jugeaient que leurs droits universels étaient
bafoués par leur gouvernement ou la justice de leur pays.
Le Conseil de l’Europe a également joué un rôle important dans la promotion des droits
culturels, notamment la reconnaissance des droits des minorités, la protection des patrimoines,
l’expression des identités culturelles et l’accès à d’autres ressources culturelles et
technologiques. Cela a à son tour élargi le cadre d’une réflexion sur la citoyenneté
européenne, de sorte que, outre les droits et privilèges traditionnels de tout citoyen dans un
Etat démocratique, celle-ci inclut aujourd’hui une troisième dimension : le droit général à la
reconnaissance de sa culture et de son héritage. Pour la majorité des Européens vivant
désormais dans des sociétés extrêmement diverses, la notion de citoyenneté culturelle est
appelée à gagner en importance si l’on veut générer un sentiment d’appartenance, notamment
dans les groupes qui souvent se sentent rejetés par les groupes culturels dominants.
La croissance de la coopération économique en Europe occidentale a été un autre élément clé
du renforcement de l’intégration européenne juste après la seconde guerre mondiale et a peu à
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