Guide des valeurs pour la vie en démocratie - Council of Europe

moyen de faire naître l’ordre du chaos et de l’anarchie, même si la période révolutionnaire au
cours de laquelle les pouvoirs de monarques ou de dictateurs sont passés au peuple semble
souvent chaotique et anarchique. En vertu de cet argument, si Saddam Hussein avait été
renversé par le peuple iraqien, et non par les forces de la Coalition, peut-être celui-ci aurait-il
choisi de se doter d’une Constitution et d’institutions démocratiques et de tenir des élections
libres et justes.
Même dans ces conditions, d’après certains observateurs, une période de démocratisation trop
courte risque de se transformer en chaos, en désordre et en conflit, dès lors que les allégeances
politiques du peuple suivent des clivages ethniques et religieux, plutôt que d’être fondées sur
des choix politiques et des politiques économiques alternatifs.
Pour étayer leur argumentation, les tenants de cette ligne de pensée citent l’exemple du
Rwanda et du Soudan. Le Rwanda est une colonie belge de la Corne de l’Afrique jusqu’à son
indépendance en 1962. Durant la période coloniale, ce sont des membres de la minorité tutsie
qui occupent la plupart des hauts postes de l’administration et de l’armée. Après les premières
élections démocratiques, la majorité hutue forme le premier gouvernement. De nombreux
Tutsis quittent le pays, mais les exilés constituent le Front patriotique rwandais et l’Armée
patriotique rwandaise (RPA), envahit alors le Rwanda en 1990, entraînant une longue guerre
civile. Au cours de cette période, plus de 800 000 Tutsis vivant au Rwanda sont massacrés.
Toutefois, la RPA réussit à s’emparer de la capitale en 1994, opération suivie d’un massacre
de Hutus. Au total, plus d’un million de personnes ont perdu la vie depuis l’indépendance, et
deux autres millions ont fui le pays – sur une population totale d’environ six millions
d’habitants.
Le Soudan est devenu indépendant de la Grande-Bretagne en 1956, mais les germes du conflit
ethnique et religieux étaient déjà présents à cette époque. Le pays était peuplé en majorité
d’Arabes et de musulmans au Nord et d’Africains et de chrétiens au Sud. En 1958 les forces
musulmanes du Nord font un coup d’Etat militaire. Cinq ans plus tard, c’est le début d’une
guerre civile de neuf ans entre le Nord et le Sud. Le conflit reprend lorsque le gouvernement
tente d’imposer la loi de la Charia à l’ensemble du pays. En 1989, un autre coup d’Etat porte
le Front national islamique au pouvoir. Le conflit n’a jamais cessé depuis, et des combats ont
même éclaté entre les forces anti-gouvernementales dans le Sud. Pendant ce temps, de
nombreux civils continuent de souffrir de la famine, de la pauvreté et de la brutalité de la vie
durant une guerre civile.
Certains observateurs font ressortir les analogies entre la situation de l’Iraq, du Rwanda et du
Soudan. Ils indiquent qu’après l’indépendance et la démocratisation, les partis et les
mouvements politiques se sont formés, au Rwanda et au Soudan, en fonction de clivages
ethniques et religieux. Ils n’étaient pas disposés à négocier, à transiger ou à accepter des
décisions avec lesquelles ils n’étaient pas d’accord, autant d’éléments pourtant essentiels si
l’on veut que la politique pluraliste et démocratique puisse fonctionner. D’aucuns font état des
divisions géographiques en Iraq, les Sunnites vivant principalement dans le centre et dans
l’Ouest du pays, les Kurdes dans le Nord, et les Chiites - principal groupe ethnique du pays –
concentrés dans le Sud.
Si les commentateurs admettent le fait que des clivages géographiques analogues ont certes
existé ailleurs dans le monde sans nécessairement conduire aux conflits qu’ont connus le
Rwanda et le Soudan, souvent grâce à l’introduction d’une forme ou d’une autre de système
fédéral donnant une large autonomie à chaque région, ils doutent que ce système puisse
fonctionner en Iraq. Premièrement, ils font valoir que les trois groupes ethniques ne sont pas
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