Guide des valeurs pour la vie en démocratie - Council of Europe

nombre de grands partis politiques, d’une bureaucratie qui ne cesse d’enfler et d’exercer de
plus en plus d’influence sur la vie des gens, de groupes d’intérêts économiques et politiques
puissants et de médias essentiellement détenus par un petit nombre de magnats et d’oligarques
fortunés et influents?
Il n’est peut-être pas surprenant que de nombreuses personnes se soient tournées vers les
nouvelles technologies, notamment le courrier électronique et l’Internet, pour tenter de
rétablir un équilibre des pouvoirs entre l’appareil de l’Etat et le citoyen. Certains ont vu dans
l’Internet un moyen de rechercher les informations que les autorités ne veulent pas diffuser,
ou de répandre des informations contestant la position officielle présentée par le
gouvernement ou autres instances en position de pouvoir et d’autorité.
Ceux que l’on qualifie parfois d’«informateurs » ou de « dénonciateurs d’abus» constituent
ici un groupe particulièrement intéressant : les personnes qui disposent d’informations
privilégiées concernant les activités ou les motivations des autorités et qui souhaitent en faire
profiter tout un chacun. Ces personnes ont toujours existé mais, de nos jours, leurs
révélations peuvent toucher une proportion de la population beaucoup plus importante
qu’avant. D’autres font un parallèle entre consommateurs économiques et consommateurs
politiques. Sur le marché économique, prétendent-ils, le consommateur peut utiliser Internet
pour comparer les prix des produits, le rapport qualité-prix, la performance, etc. Il peut
«comparer » avant de trouver le produit qui correspond le mieux à ses besoins. Il peut
confronter les promesses publicitaires aux informations fournies par les consommateurs d’un
produit.
De même, certains font valoir que le «consommateur politique » peut en faire tout autant face
aux promesses et affirmations de ceux qui veulent ses votes pour être élus et arriver au
pouvoir. Paraphrasant le philosophe du XVI e siècle, Francis Bacon, ils prétendent que le
«savoir [ou l’information] est le pouvoir ».
D’un autre côté, d’autres se posent la question de savoir si l’Internet remplit réellement ce
rôle critique dans une société technocratique moderne. Jonathan Zittrain et Benjamin
Edelman, du Centre Berkman pour l’Internet et la société, de la Harvard Law School, aux
Etats-Unis, examinent depuis cinq ans déjà la manière dont les différents gouvernements
bloquent l’accès à l’Internet. Leurs travaux ont montré qu’un certain nombre d’autocraties et
de dictatures comme la Chine, Cuba, la Birmanie, la Corée du Nord, l’Arabie saoudite, la
Syrie et les Émirats Arabes Unis comptent désormais parmi les principaux pays à bloquer
l’accès du public aux sites Internet qu’ils considèrent comme sensibles ou subversifs, ainsi
qu’à poursuivre les dissidents et militants pro-démocratiques qui utilisent Internet pour
diffuser leurs opinions par leurs propres blogs et sites et former des réseaux avec d’autres
opposants au régime.
Ainsi que le montre notre étude de cas, des pays comme la Chine ont investi énormément de
moyens financiers et humains pour se doter d’un logiciel qui leur permette de restreindre les
recherches sur des sujets comme Taiwan, le Tibet ou le mouvement pro-démocratique, autant
de thèmes sensibles pour le régime, de censurer les informations auxquelles les internautes
peuvent accéder, ainsi que de lire les courriels des individus et poursuivre les personnes
réputées dissidentes ou contre-révolutionnaires qui critiquent ou cherchent même à porter
atteinte à la sécurité de l’Etat. Ce faisant, il semblerait que certains fournisseurs d’accès à
Internet (FAI) ont accepté la censure pour prendre pied sur le marché chinois de l’Internet et,
dans certains cas, de jouer le rôle d’informateurs de la police.
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